Au printemps 2020, dans un pays subitement devenu silencieux, Florent MARCHET a repris la plume, qu’il a fine. L’artiste touche-à-tout n’était pas muet, auteur d’un roman, compositeur de musiques de films, mais cela faisait alors six ans qu’il s’était tenu loin de la chanson. Par touches discrètes, teintes nuancées, l’artiste n’a pourtant pas construit un album. Non, il a réalisé une toile, apposé des couleurs, laissé sécher le résultat, et gratté les paquets de peinture pour aller chercher, en-dessous, l’essence des pigments. Garden Party évoque ce qui se passe derrière les volets clos, dans l’esprit de ceux qui ont l’impression de n’avoir jamais réussi à s’adapter à une société foncièrement inadaptée, dans les regards de ceux qui craignent de voir leurs enfants répéter leurs erreurs.

Essentiellement piano-voix, à quelques reprises agrémenté d’arrangements électroniques, par moments réhaussé de cuivres soudainement imposants et d’instrumentations surprenantes (telles le Cristal Baschet ou les ondes Martenot), Garden Party est un album intense dans sa retenue. Il y a le spleen de SOUCHON, le questionnement de LE FORESTIER, tant dans les intonations vocales et les inclinations mélodiques que dans les textes aux contours agréablement désuets. L’album est garanti sans réseaux sociaux, évoquant les rapports humains dans leur brutalité, dans la brûlure d’une franchise qui scelle parfois le destin d’une relation. On retrouve SOUCHON, essentiellement dans cet ancrage géographique des textes et dans le phrasé court (« Paris-Nice »), dans cette capacité à bâtir un imaginaire à partir de bribes de phrases, de vers coupés au cordeau. Le bonheur d’écoute est immense.

Quelques cordes disséminées ci et là (« En famille ») viennent apporter un supplément de richesse au sein d’un album foisonnant de bonnes idées et de trouvailles mélodiques. « De justesse » déploie une intensité mélancolique que ne renierait pas Dominique A, tandis que la douceur du piano de « Comme il est beau » tranche avec la violence de son texte. Et puis, il y a les sept minutes de « Freddy Mercury », une narration sans faille évoquant une vie, un amour, une jeunesse gâchées par le lourd fardeau qu’est l’héritage des vices familiaux. La musique construite autour d’un motif simple, gagne en intensité au fil des minutes, démarre comme un murmure et s’achève comme une flamboyance, comme une flamme qui, tout d’abord timide, se consume finalement en brasier.

Varié, l’album ne souffre que de peu de temps faibles, et bénéficie même d’un souffle nouveau sur sa fin, l’apocalyptique « Le Dakota » offrant une conclusion à la fois décalée par rapport aux thématiques plus quotidiennes du reste de Garden Party, et en même temps parfaitement à sa place avec sa mélodie à la fois tendre et désabusée, qui rappelle l’univers de Pierre Lapointe. Une splendeur, à l’image d’un album qui se révèle aussi dans ses pauses et ses silences. Le retour à la chanson de Florent MARCHET n’est pas une réussite, c’est une évidence.