Avec Les Blessures de l'Ombre, la messe est dite. DERNIERE VOLONTE sera bien le seul et unique représentant européen du style Military Pop. Vous pourriez penser que ça y est, on a perdu pour toujours Richard, il a fondu. Même pas ! Si les appellations concernant le projet de Geoffroy D sont nombreuses puisqu'on y trouve pêle-mêle dark folk, martial, ambient ou indus c'est bien cette pop avec tambours et baguettes qui le caractérise sans doute le mieux. Vous pourriez également me rétorquer qu'importe le flacon en définitive, pourvu qu'on ait l'ivresse auditive. Certes, certes, mais DERNIERE VOLONTE est suffisamment original pour qu'on lui fasse au moins cette petite concession.

Même s'il ne s'agit ici que du deuxième album de DERNIERE VOLONTE, on peut cependant déjà parler sans vraiment se tromper d'un album de transition. C'est en effet à ce moment précis que l'artiste se détache progressivement des ambiances classiquement orthodoxes à la BLUTHARSCH (en duo sur l'immonde "Vienna") pour développer un autre monde nettement plus personnel où apparaissent ces fameuses effluves pop. L'auditeur a plaisir à découvrir un Geoffroy D sûr de lui qui grâce entre autres à sa voix claire et à ses textes en français bien sentis abandonne presque les tics inhérents et parfois ennuyeux de cette scène sulfureuse.

Comme pour tout style qui se respecte toutefois, il y a les passages obligés qui ne sont plus, pourtant, paradoxalement, que d'anciens souvenirs. Le cahier des charges impose donc les thématiques de la beauté de la guerre, de l'amitié virile ou de l'honneur. Point de cris de harpies, c'est discutable, mais c'est ainsi. C'est une partie de l'identité de cette mouvance (cf chronique de Devant le Miroir) que l'on y adhère ou non. DERNIERE VOLONTE paye sa dette au passé en exposant des plages martiales et austères qui s'avèrent menaçantes à l'image du superbe "Ouverture", tout orgue devant, ou travaillées comme les boucles composant l'éponyme symphonique avec force cloches, roulement de tambours et chœurs wagnériens kitsch.

Je ne sais pas si à l'instar de l'Helvète underground, Geoffroy D a "ni remords, ni regrets" mais il faut admettre que pour concocter ces ambiances même classiques, il était assez doué. Les pièces atmosphériques que sont "Un Dernier Crépuscule" et "Souvenirs De Demain" ou "La Foudre et le Tonnerre" l'habituelle marche militaire au pas de l'oie (Ein ! Zwei !) en sont de significatifs exemples. Et pourtant, s'il s'était cantonné à cette simple expression, il aurait fait partie des formations intéressantes dark folk sans conteste (l'anxiogène "Les Yeux Fermés"), mais c'est tout. Son orientation vers un monde plus accessible a fait la différence. On se souvient de lui et en bien.

Le micro-hit "Les Orages du Crime" combine ainsi à lui seul tous ces éléments. C'est la concrétisation de la diminution bienvenue du côté rêche et de l'injection heureuse d'une légèreté toute relative. La force de mélodies entêtantes prend également ici tout son sens. Les mots aussi comme le soulignent le très émouvant "Si..." ou l’entraînant "Le Poison". Ils ont une place essentielle dans DERNIERE VOLONTE. Recherchés sans être vides, riches sans être pompiers, ils permettent aux thèmes évoqués ci-dessus d'être cette fois-ci un peu moins frontaux, agressifs et ne servent pas seulement à combler le temps comme c'est trop souvent le cas. Les spectres vocaux de DARC entre autres apportent naturellement pour finir à l'ensemble une saveur douce et particulière.

Les Blessures de l'Ombre sont la première pierre d'un édifice qui dans l'univers des musiques sombres s'avère particulièrement singulier. Si vous êtes curieux et désirez croiser DAHO chantant à Vienne, ce disque est forcément fait pour vous.