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JAZZ-FUNK-EXPéRIMENTAL  |  B.O FILM/SERIE

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B.O FILMS/SERIES

1967 Mission Impossible
1968 Bullitt
1971 Dirty Harry
 

- Membre : Bande Originale De Film

Lalo SCHIFRIN - Dirty Harry (1971)
Par AIGLE BLANC le 10 Novembre 2022          Consultée 753 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

A 90 ans, Lalo SCHIFRIN affiche une carrière exceptionnelle entièrement consacrée à la Musique. Normal, me direz-vous, de la part d'un musicien. Pourtant, cette phrase 'passe-partout' voudrait attirer l'attention sur l'ADN du compositeur américano-argentin qui embrasse la Musique sous toutes ses formes et latitudes, au-delà 'des esprits de chapelle' et cloisonnements. En effet, tout art ne gagne pas grand-chose à être malheureusement morcelé en styles et genres divers. Il n'est pas rare ainsi d'entendre pareille réflexion dans la sphère des musicophiles qui déplorent l'obsession de la presse musicale étiquetant les oeuvres et artistes en autant de distinctions ne rendant pas justice à l'universalité des Arts.
Un regard sur la carrière de Lalo SCHIFRIN démontre sur ce point l'ouverture d'esprit d'un 'musicien total' ayant signé quelques 250 compositions parmi lesquelles près de 60 Symphonies ou Concertos (enrichissant le répertoire classique), 7 albums de Jazz orchestral, une poignée de disques de Bossa Nova ou Samba, 118 Bandes Originales de films, 90 compositions pour des séries télévisées (dont Mannix, Mission Impossible, Des Agents très Spéciaux, Starsky & Hutch, La Planète des Singes). A ces activités créatrices, s'ajoutent de multiples arrangements pour RCA France, avant qu'il devienne le principal compositeur de la MGM.
Après une solide formation classique au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, où il fut l'élève entre autres d'Olivier MESSIAEN et de Charles KOECHLIN, il se découvre une égale passion pour le Jazz que ses premières études à Bueno Aires avaient brimée du fait de l'interdiction de ce genre musical en Argentine, passion qu'il approfondit au cours de sa formation parisienne où il rencontre également les rythmes cubains. Son oeuvre se présente ainsi comme la réconciliation des trois genres (Classique, Jazz, Bossa Nova), guère partagée par ses pairs. Quel dommage d'entendre en effet Lalo SCHIFRIN regretter de n'avoir pu entraîner ses camarades de l'école classique à des concerts de Jazz et, vice-versa, d'attirer ses partenaires de groupes de jazz à des Opéras ou Concerts symphoniques ! La presse n'est donc pas la seule à établir des frontières irréconciliables entre les styles de musique, les artistes eux-mêmes (quel que soit leur genre de prédilection) se cloisonnent au point de ne connaître et ne vivre la musique que sous un angle partisan et sectaire.
Comprendre la démarche de rassemblement des genres musicaux au coeur de son oeuvre apporte dès lors un éclairage essentiel sur la passion que voue Lalo SCHIFRIN au septième art et, en particulier, aux musiques de films qu'il passe son temps à disséquer depuis l'enfance avant de les honorer de ses propres compositions dès 1964 (Les félins de René Clément). Le cinéma n'est-il pas en effet lui-même la rencontre et la cohabitation des arts visuel, actoral et auditif, qui inspire au compositeur la métaphore du visage* ? Les compositeurs de musiques de films ne sont-ils pas eux-mêmes les premiers à s'être affranchis des cloisonnements de genres en livrant des musiques d'abord d'envergure orchestrale, avant d'y intégrer les premiers effluves jazzistiques, sensibilisant ainsi le public des salles obscures à la musique classique et au Jazz d'avant-garde ?

Quand sort sur les écrans en 1971 Dirty Harry de Don Siegel, Lalo SCHIFRIN est déjà le compositeur reconnu des séries à succès Mannix, Des Agents très Spéciaux et Mission Impossible ainsi que de la B.O du très remarqué Bullitt, prototype du polar moderne, autant de compositions aux confluents du Jazz, de la Pop et de l'Easy Listening.
L'inspecteur Harry, quoique devenu le personnage emblématique d'une série culte de cinq films (de 1971 à 1988), n'aurait pas dû initialement poursuivre ses enquêtes au-delà du long-métrage inaugural de Don Siegel à la fin duquel, d'ailleurs, on le voyait, écoeuré, jeter à l'eau son insigne de police comme Fabio Montale à la fin du premier volet de la trilogie marseillaise Total Kéops.
Paradoxalement, c'est aux accusations de 'facho' dirigées contre le personnage incarné par Clint Eastwood (et contre l'acteur lui-même également) qu'on doit l'envie des boss de la Warner Bros de lui inventer de nouvelles enquêtes reprenant les ingrédients du premier épisode : les réparties cinglantes et cultissimes de Harry Calahan envers les criminels mais aussi contre sa hiérarchie qui lui confie toujours délibérément le "sale boulot", l'impossibilité de l'inspecteur de terminer son sandwich lors de la pause de la mi-journée, à cause de la criminalité de San Francisco qui ne compte pas ses heures... et, bien entendu, l'excellente musique de Lalo SCHIFRIN (à l'exception étrangement du troisième volet dont la B.O a été confiée à Jerry FIELDING).

Malheureux, les fans de Dirty Harry, qui ont dû patienter jusqu'en 2004 (soit 33 années de frustration) avant de pouvoir dénicher enfin dans les bacs des disquaires la première édition historique de leur B.O culte. Cependant, à l'heure actuelle, les fans de vinyles doivent continuer à ronger leur frein, le disque n'existant encore qu'au format CD, retard puis absence d'autant plus incompréhensibles que les B.O de Mission Impossible, de Mannix et de Bullitt n'avaient pas attendu un an pour contenter leurs fans respectifs.
C'est à Donna Schifrin, l'épouse du compositeur, que l'on doit l'honneur de cette édition tardive de la musique de Dirty Harry, sur son propre label Aleph Records qu'elle a justement conçu pour mettre à disposition des mélomanes les B.O jamais éditées de son mari. Les 18 titres du CD, sans compter les 4 bonus anecdotiques (de simples versions alternatives) totalisent une cinquantaine de minutes d'écoute, nous incitant à penser qu'il s'agit bien de la version intégrale de la partition d'origine.
De par son cadre urbain, le film appelant une bande sonore adéquate, Dirty Harry trempe le jazz de Lalo SCHIFRIN dans le groove imparable du funk alors en plein développement. Il ne faut donc pas y chercher les ambiances latino qu'affectionne d'ordinaire le compositeur. L'ombre du Disco, loin de se profiler encore à l'horizon, assure une musique qui, bien qu'axée sur des rythmes soutenus et syncopés, n'en demeure pas moins âpre et sombre, à l'instar du "Main Theme" qui synthétise la cohabitation de ces deux aspects. La B.O du film de Don Siegel transpire en effet les néons rouges et bleus des sex-shops de San Francisco, que martèlent les pulsations cardiaques d'une batterie et d'une basse exsudant l'angoisse des ruelles obscures jonchées de poubelles éventrées et la rouille des hangards désaffectés où s'échangent autant de produits illicites que de carotides sectionnées en un geyser de sang souillant les fresques de la rue.
Lalo SCHIFRIN trouve la transcription musicale parfaite à l'atmosphère anxiogène contaminant le San Francisco des 70's. Le thème se rapportant au sociopathe du film ("Scorpio's View") livre un emploi des choeurs particulièrement tétanisant qui, ajouté à des vocalises féminines inquiétantes, à la manière de celles produites également par Ennio MORRICONE dans ses B.O de Gialli, et à des accords plaqués crispants d'orgue Wurlitzer, convoque une ambiance de films d'horreur au sein du polar moderne. Ce thème traverse la partition en autant de déclinaisons impressionnantes telles "Scorpio Takes the Baits", "The Cross" ou "The Stadium Grounds". Même les cuivres, quand ils sont convoqués, expriment davantage le danger que l'énergie positive de la Soul classique.
A force de jouer sur une tension latente hyper-nerveuse, Lalo SCHIFRIN conduit son art jusqu'aux confins de la musique contemporaine chère à BARTOK ou LIGETI. De manière plus étonnante, il semblerait qu'il anticipe légèrement le jazz expérimental que pratiquera un an plus tard l'excellent dyptique Crossing (1972) / Sextant (1973) d'Herbie HANCOCK.

Aussi bienvenue que soit cette édition tant attendue des fans, (qui ne remercieront jamais assez Donna Schifrin pour cela), il est insensé que le livret pourtant instructif du CD ne crédite pas les musiciens à l'oeuvre dans ce trésor de B.O enfin exhumé de son interminable purgatoire.

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   AIGLE BLANC

 
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- Musiciens Non Crédités.


1. Prologue / The Swimming Pool
2. Main Title
3. Harry's Hot Dog
4. No More Lies Girl
5. Scorpio's View
6. Red Light District
7. Scorpio Takes The Baits
8. The Cross
9. Goodbye, Callahan
10. The Stadium Grounds
11. Floodlights
12. Dawn Discovery
13. Off Duty
14. The Strip Club
15. Liquor Store Holdup
16. City Hall
17. The School Bus
18. End Titles
19. + Bonus
20. Floodlights (take I)
21. City Hall (alternate)
22. The School Bus (alternate)
23. The Swimming Pool (original Version)
24. Scorpio's View (parts 2 And 3, Alternate Vocal Tak



             



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