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- Membre : Bande Originale De Film

Vladimir COSMA - Salut L'artiste (1973)
Par AIGLE BLANC le 27 Mai 2021          Consultée 1000 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

12ème film d'Yves Robert, Salut l'Artiste souffre de l'ombre que lui jettent Le Grand Blond avec une chaussure noire, sorti l'année précédente en 1972, et Un éléphant ça trompe énormément paru en 1974, soit deux des plus belles réussites populaires du cinéaste-scénariste-acteur et producteur, respectivement quatrième et sixième plus grands succès de sa carrière, après La Guerre des boutons (1962), La Gloire de mon père et Le Château de ma mère (1990), Salut l'artiste n'ayant pas l'honneur d'appartenir à cette glorieuse liste.
La faute en incombe peut-être à son sujet, qui traite des acteurs de l'ombre courant en vain après la reconnaissance et prêts à tout pour la conquérir, quitte à cachetonner dans des films médiocres voire des publicités de bas étage, acceptant dans leur quête effrénée n'importe quels doublages foireux, quitte à endosser le poste de doublures d'acteurs célèbres. Yves Robert, auteur du scénario, n'y cache pas sa tendresse envers ces artistes 'ratés' n'ayant pas eu la chance de trouver le rôle ou le cinéaste adéquats les révélant à eux-mêmes autant qu'au public et aux gens de la profession. L'authenticité du regard porté sur les acteurs de l'ombre ne surprendrait pas de la part d'un artiste ayant offert leur chance à une poignée d'acteurs comiques qui, tels Louis de Funès, Pierre Richard ou Philippe Noiret, lui doivent l'envol de leur carrière.
Le rôle-titre écrit initialement pour Yves Montand se voit décliné par l'intéressé lui-même sous le prétexte qu'aucun spectateur ne l'aurait trouvé crédible dans la peau d'un artiste raté condamné à se rabaisser pour subsister. C'est donc à Marcello Mastroianni, moins enclin à une telle crise d'ego, qu'échoit le projet. On devine* alors entre les lignes que Salut l'artiste navigue dans les eaux douces-amères de la comédie mélancolique teintée des oripeaux de la satire, cocktail auquel sans doute l'œuvre antérieure du cinéaste n'avait pas préparé son public plus habitué à l'humour bon enfant de La guerre des boutons ou d'Alexandre le bienheureux.

Non seulement Yves Robert a lancé la carrière des acteurs susnommés, mais en homme fidèle, il signe avec le compositeur Vladimir COSMA leur quatrième collaboration débutée par Alexandre le bienheureux et achevée en 1993 avec Montparnasse-Pondichéry, soit un ensemble de 13 films en commun. Les deux hommes partagent une prédilection pour le jazz auquel Vladimir COSMA peut s'adonner plus franchement qu'avec n'importe quel autre cinéaste. Le compositeur dispose également d'un atout rare, sa compréhension profonde des êtres comptant parmi ses proches, comme nous l'avions noté dans les chroniques de ses musiques pour Pierre Richard. En effet, ses bandes originales, qui se passent presque toujours de l'apport des images, peuvent se lire comme de mini-biographies des cinéastes ou acteurs dont elles brossent toujours un portrait tout en finesse et drôlerie.

N'ayons pas peur des mots : Salut l'artiste s'offre comme la huitième merveille musicale de son auteur, un chef-d'œuvre de légèreté et de virtuosité dans l'esprit le plus pur d'une certaine bohème évoquant au passage l'époque de la grande chanson française chère à son plus illustre représentant : Charles Trénet. Il n'est qu'à entendre le thème principal du film, l'automnal "Yves et Danièle" pour sentir son cœur caressé par la douce mélancolie que diffuse une mélodie belle comme un baiser volé. Le deuxième thème "Valse sifflotante", à la fois si proche et si différent de son prédécesseur, prolonge la déambulation poétique d'un esprit chagrin balloté par la brise d'automne. Ces miniatures musicales distillent le charme français de façon d'autant plus surprenante que Vladimir COSMA est d'origine roumaine. Parvenir de la sorte à retrouver la poésie si particulière de Charles Trénet démontre si besoin était son amour et sa compréhension profonde de l'esprit français.
Les autres titres diversifient comme souvent le propos en versant dans le jazz classique cher à Nina SIMONE ("Les Boys"). Quant à "Tropique", il s'inscrit dans la veine sentimentalo-érotique comme les affectionne COSMA, sans doute le titre le plus typé 70's, si proche de ceux que compose également Pierre BACHELET pour le cinéaste Just Jaeckin quand il réalise Emmanuelle et Histoire d'O. "Hip Hop" nous offre de son côté une échappée unique vers la sphère d'un rock urbain dans l'esprit de Lalo SCHIFRIN, guitare fuzz et psychédélique à l'appui, soutenue par une basse à la rondeur roborative et des cuivres funky des plus convaincants. Décidément, Vladimir COSMA peut tout se permettre, avec un égal bonheur.

La réédition de Larghetto Music, intégrée au monumental coffret Vladimir Cosma 51 bandes originales pour 51 films, paru en 2010, prolonge le plaisir d'écoute en ajoutant pas moins de 5 pistes inédites à l'édition originale, pour la plupart des reprises alternatives des deux thèmes principaux.
Cette réédition a eu de plus la riche idée de coupler Salut l'artiste et Courage fuyons, un autre film signé d'Yves Robert, avec Jean Rochefort et Catherine Deneuve dans les rôles principaux. Loin de remplir le rôle subalterne du simple bonus, cette seconde bande originale datée de 1979 décuple la valeur artistique de la galette. Il s'agit ni plus ni moins que d'un deuxième chef-d'œuvre, absolument merveilleux, déployant un jazz manouche des plus divins.
Si j'avais mis en évidence déjà dans d'autres chroniques le génie des arrangements de Vladimir COSMA, n'ayant rien à envier à celui du Maestro**, ici le compositeur se surpasse en osant un parti-pris artistique extrêmement rare dans l'histoire des musiques de films : confier à un musicien le rôle de soliste. En effet, les compositions de Salut l'artiste se voient transcendées par l'omniprésence de l'harmoniciste belge Jean-Baptiste Frédéric Isidor Thielemans, dit Toots Thielemans, pointure du jazz ayant officié aux côtés de Oscar PETERSON, Ella FITZGERALD, Sarah VAUGHAN, Bill EVANS, Dizzy GILLESPIE, Pat METHENY et Jaco PASTORIUS. Non content de manier avec dextérité l'harmonica, il se charge également dans Salut l'artiste de la guitare et, surtout, des sifflements, autant d'instruments conférant une personnalité unique à la partition d'ensemble. Si les compositions de COSMA s'avèrent délicieuses, l'interprétation qu'en livre Toots Thielemans les élève au rang de merveilles musicales.

Quant à la B.O de Courage fuyons, elle déroule un tapis rouge à Philip Catherine, musicien de jazz belge ayant travaillé avec Chet BAKER, Jean-Luc PONTY, Stéphane Grappelli et Charlie MINGUS notamment, qui brille ici de mille feux à la guitare manouche au point de confondre sa virtuosité avec celle de l'immense Django REINHARDT, autant de talents réunis pour deux bandes originales qui n'en exigeaient peut-être pas autant. Quand l'exécution transcende la composition, alors la musique de film devient l'égale de la musique absolue*** .
Très variée encore une fois, la partition de Courage fuyons permet d'entendre Catherine Deneuve et Jean Rochefort pousser la chansonnette avec force sympathie. La comédienne se frotte au chant de cabaret dans "Lady From Amsterdam" sur des paroles de Jean-Loup Dabadie, tandis que l'acteur s'inscrit plutôt dans la chansonnette française avec "La chanson de Martin" aux paroles signées du même DABADIE.

Au cours des années 70, Vladimir COSMA s'avérait le compositeur incontournable du cinéma français, aussi doué dans le jazz, la pop que dans le néo-classique. Il parvenait à insuffler ce supplément d'âme qui fait tant défaut aujourd'hui aux musiques de films, longues tapisseries sonores composées et exécutée en quatrième vitesse, pire, interchangeables. A tous les amateurs de bandes originales de films, je ne saurais trop conseiller de jeter deux oreilles à certaines partitions de COSMA, Salut l'artiste et Courage fuyons en tête. Deux incontournables intemporels.


* Je précise n'avoir pas vu le film d'Yves Robert.
** Surnom d'Ennio MORRICONE.
*** La musique créée librement par opposition aux œuvres de commande soumises à un programme.

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   AIGLE BLANC

 
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- :: Salut L'artiste
- Vladimir Cosma (compositions et direction musicale)
- Toots Thielemans (soliste harmonica, sifflet, guitare -titres 1, 2, )
- Maurice Vander (piano acoustique et électrique)
- Eddy Louiss (orgue hammond)
- Joss Boselli (accordéon électronique)
- :: Courage Fuyons
- Vladimir Cosma (arrangements et direction orchestrale, piano -titr)
- Philip Catherine (guitares solo, acoustique, banjo -titres 15, 16, 1)
- Pierre Michelot (contrebasse -titres 20, 21, 23, 26, 28)
- Pierre Gossez (saxophone alto -titres 15, 18, 19, 27)
- Maurice Vander (piano)
- Chet Baker (trompette -titre 31 version de 'yves et danièle' d)
- John Guerin (batterie)


- Salut L'artiste (1973)
1. Yves Et Danièle
2. Valse Sifflotante
3. Les Amours De Nicolas
4. Les Boys
5. Les Fillettes
6. Nicolas, Peggy Et Elisabeth
7. Tropique
8. Hip Hop
9. Sur La Plage De Cabourg
10. Au Drugstore
11. Les Cadeaux Du Père-noël
12. Retour Chez Soi
13. Derrière La Vitre
14. La Séparation
- Courage Fuyons (1979)
15. Courage Fuyons
16. L'appel Du Large
17. A Deux Mains
18. Paris Amsterdam
19. Courage Fuyons
20. Le Be-bop De Martin
21. The Lady Arrives
22. Lady From Amsterdam
23. Thirty Saxes
24. La Chanson De Martin
25. Séduction D'eva
26. Black Star
27. Courage Fuyons
28. Au Cabaret
29. A Deux Mains (version Alternative)
30. Lady From Amsterdam (version Anglaise)
- Bonus
31. Yves Et Danièle (version Alternative)



             



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