Tobias Möckl, plus connu sous le pseudo de Wintherr, doit habiter à moins d’une demi-heure en voiture de mon domicile, quelque part dans le légendaire canton de Berne. Je pourrais, si j’en avais l’envie ("l’envie d’avoir envie" comme dirait Johnny), aller à sa rencontre. Mais il se trouve qu’il est misanthrope au point de me faire passer pour un vulgaire pharisien.

C’est que PAYSAGE D’HIVER est un projet digne de son nom. Loin du national-satanisme assez puéril d’une grande partie de la scène black metal, la neige et la solitude sont bien les seules divinités invoquées tout au long de sa discographie ; comme un point de rencontre cristallisé entre le BURZUM le plus farouchement forestier et le POPOL VUH perdu à la recherche de l’Eldorado.

Die Festung, sorti très discrètement en 1998, est un pur moment de musique électronique ainsi qu’un hommage à la scène allemande des années 70.
"Eishalle" est une pépite d’ambient soutenue par un séquenceur à faire pleurer les rares fans du légendaire Klaus SCHULZE. C’est LE titre brumeux qui vous emporte par-delà les poussières d’étoiles.
"König Winter", plus épurée, pousse le bouchon jusqu’à la quasi-perfection - sorte de joyau enneigé. Quelque chose qui tient du cocon en ébullition.
Le reste, sans du tout mériter l’opprobre, déçoit quelque peu. On se retrouve à flotter entre la guimauve analogique et une nostalgie de l’âge d’or un peu trop sucrée à mon goût. L'ambiance générale tient du gênant et de l’enthousiasmant tout à la fois. J’aurais préféré, en tant que solitaire glacé, finir dans un parfait jour blanc, le hurlement des loups non loin.

D’une manière générale, le type de dark ambient pratiqué par les adeptes de métal noir n’est pas toujours de la plus belle facture sonore (je ne parle même pas du sous-genre dungeon synth, tout en papier mâché moche). On est souvent fort éloigné de la profondeur d’un LUSTMORD ou d’un RAISON D’ETRE.

Cela dit, l’ami Tobias s’en sort plutôt bien sur cet opus dont la première partie, je répète, est d’or. Mais selon moi, la musique de PAYSAGE D’HIVER n’est jamais aussi entière que délivrée dans sa forme la plus rude, la plus sauvage, c'est-à-dire sous une cascade de riffs acérés et un déluge de blasts salvateurs. Si vous êtes comme moi, alors vous préfèrerez certainement des oeuvres comme Steineiche, Das Tor ou encore Im Wald. D’ailleurs, ça tombe bien puisque le black metal de notre sombre Suisse allemand est justement à ranger dans la catégorie des musiques contemplatives.

Enfin, il n’est pas superflu de rappeler que Die Festung, à l’instar des autres travaux de Wintherr jusqu’à une période très récente, est une démo. Comme pour mieux signifier que ce projet ne fait pas intégralement partie du monde de la musique, même underground. Qu’il est ailleurs, qu’il est seul et heureusement abandonné, ou presque.