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Maurice JARRE - Les Dragueurs (mocky) (1959)
Par MARCO STIVELL le 15 Janvier 2023          Consultée 380 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Jean-Pierre Mocky va fêter ses trente ans en l'année 1959, après une décennie chargée comme acteur parfois vedette (notamment en Italie, avec d'abord Les Vaincus d'Antonioni, 1952) ou simplement bien visible dans de grosses productions comme le deuxième Comte de Monte-Cristo de Robert Vernay en 1953, version avec Jean Marais en Edmond Dantès. Il devient très copain avec les cinéastes de la Nouvelle Vague (Truffaut, Chabrol etc.) dont il se distingue pourtant. Les Dragueurs est son premier et seul film des années 50 comme réalisateur, dans le sillage direct de La Tête Contre les Murs de Georges Franju (où Mocky comptait parmi la distribution).

De ce dernier, sorti un mois avant et ayant fait un bide presque total, on retrouve une partie de l'équipe. D'abord, Charles AZNAVOUR encore à ses tout débuts d'acteur et en deuxième rôle principal aux côtés de Jacques Charrier ; celui-ci, mari de Brigitte BARDOT, vient de cartonner dans Les Tricheurs de Marcel Carné et est choisi par la production quand Mocky, lui, voulait Jean-Paul Belmondo. Ensuite, Anouk Aimée, dans un second rôle touchant de maman handicapée, parmi toutes les femmes 'draguées' au long du film par Charrier et AZNAVOUR. Pour finir, outre des acteurs en petits rôles qui deviendront récurrents auprès de Mocky par la suite (Jean Poirier, Gérard Hoffmann) et la présence à la photographie d'Edmond Séchan (l'oncle du chanteur RENAUD), Maurice JARRE se trouve être lui aussi de la partie.

À 34 ans, ce père de famille (il a pour fils un certain Jean-Michel) débute lui aussi tout juste sa carrière, en n'ayant signé que deux bandes originales : Le Feu aux Poudres d'Henri Decoin, polar à franc succès de 1957, et donc La Tête Contre les Murs. Sans oublier, il faut bien le dire en tant qu'Avignonnais et de façon on-ne-peut-plus symbolique, la sonnerie de trompettes royales du début de Lorenzaccio (pièce phare d'Alfred de Musset) qui, depuis 1958 et encore de nos jours, lance chaque représentation du mois de juillet à la Cour d'Honneur du Palais des Papes, durant le festival de théâtre le plus célèbre au monde. Comme si ce grand monsieur était déjà prédestiné à une carrière internationale.

Pour l'heure, et au cours d'une année 59 très diversifiée pour lui avec pas moins de cinq BO's (il fait aussi de l'adaptation de théâtre, du film d'animation), Maurice JARRE adapte son style fait de percussions éclatantes comme de romances à ces Dragueurs. Dérivé du verbe draguer (racler avec une perche le fond d'un fleuve, d'un canal), ce mot que Mocky employait avec ses amis pendant leurs démarches plus ou moins spontanées du même genre, devient très courant grâce à ce film, ou à cause de, selon les féministes qui voueraient un tel film aux gémonies. Car l'histoire est simple et bien de son temps : plutôt sûr de lui au début, Jacques Charrier/Frédéric ou 'Freddy' tente de coacher Charles AZNAVOUR/Joseph, au contraire plutôt timide et mal à l'aise avec les femmes, tout en pensant à sa propre gloire, qu'elle soit d'un soir, d'une heure à peine ou pour toujours.

À pied ou en voiture, sur les quais de la rive gauche de jour en passant par la place Saint-Sulpice dans le 6ème arrondissement et jusqu'en haut des escaliers de Montmartre la nuit, avec des détours dans les bars, aérogares, galeries commerciales et même le Lido, le film Les Dragueurs constitue une course folle dans la capitale pour des hommes qui ne veulent pas être seuls, sincères ou artificiels, et qui tentent d'accrocher des Parisiennes de tous horizons. Il y a aussi des touristes (Anglaises, Suédoises) et eux-mêmes, quelquefois, se voient rendre la pareille. Ce qui explique la variété des tons assez riches et soulignés par une musique adaptée.

Rien que le thème du générique, "La Ballade des Dragueurs", savoureux d'assurance et de malice toutes masculines, pour ne pas dire hispaniques compte tenu de l'arrangement, témoigne d'un JARRE parfaitement dans l'ambiance. Bavard aussi, avec de multiples variations de sa "Femme Idéale" (valse mélancolique d'introduction) en un nombre de minutes restreint quand les séquences et les situations pleuvent, surtout au début. Sur ce morceau-là, les vents (hautbois, flûte, clarinette) se suivent et se confondent avec grâce, alimentée de même par la guitare nylon et le vibraphone, là où le glockenspiel règne sur l'autre valse espagnole, bien balancée avec son piano en quinte, son discours mutin et irrévérencieux.

Le troisième moment fort de la BO, "Surboum Chez Ghislaine", délaisse en revanche les percussions métalliques pour favoriser les peaux. La course à petite amie ne s'est calmée qu'en apparence avec Anouk Aimée le temps d'une parenthèse doucereuse et en silence ; Charrier comme AZNAVOUR se retrouvent finalement dans ce qui, de fête, devient une maison de joie, tournant au libertinage (sans trop en montrer non plus). Alors que les variations multiples des thèmes musicaux précédents se noient dans un océan jazz-bebop dynamique, petit à petit se dessine le destin des deux copains qui au départ n'en étaient pas, celui qui finit seul n'étant pas celui qu'on croit.

Les Dragueurs connaît un beau succès populaire, avec plus d'un million et demi d'entrées. Ce film du ciné-club bien ancré dans son époque se laisse savourer pour diverses raisons à commencer par sa durée (1h15). Ensuite, parce qu'il y a déjà tous les éléments de la carrière de Mocky : un tournage en quelques jours à peine, de l'humour graveleux très près de l'émotion sincère, des hommes très hommes et des femmes très femmes (selon le point de vue 'archaïque' toujours). Sans oublier une maîtrise certaine du propos artistique à son échelle (rarement celle des 'grands films'), mélangeant des têtes d'affiche en termes d'acteurs avec des 'gueules' que Mocky a rencontrés pendant qu'il fumait sa cigarette dans la rue, récidivistes d'un côté comme de l'autre. Et tout cela, jusqu'au canard jouet en plastique qui vient troubler la scène romantique que Charrier est sur le point d'avoir avec une fille 'facile' dans sa chambre, malgré le piano concerto de JARRE en pure grandeur d'âme.

Le compositeur est lui aussi le premier d'une longue liste de collaborateurs-vedettes pour Mocky dans son domaine. Si cette BO n'est pas sa plus marquante, loin s'en faut, elle est justement adaptée au film, très fournie bien que le maxi 45-tours qui en est extrait ne reprenne pas toutes les idées. C'est de la musique populaire vue par un savant, et cela passe plutôt bien. À l'image de Jean-Pierre Mocky, que l'on aime ou non, mais qui ne peut laisser indifférent, et dont la carrière appartient autant que les 'grands' au patrimoine français.

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- Maurice Jarre (compositions, orchestrations)


1. La Femme Idéale
2. La Ballade Des Dragueurs
3. Surboum Chez Ghislaine



             



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