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Maurice JARRE - Le Cercle Des Poètes Disparus (1989)
Par AIGLE BLANC le 27 Juin 2017          Consultée 2106 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Comme le Grand Bleu de Luc Besson (1988), Le Cercle des Poètes Disparus de ¨Peter Weir (1989) fut un énorme succès, notamment en France. Cependant pas vraiment de la même ampleur que celui de Titanic. Mais, le film de James Cameron, même s'il obtint dans le monde un succès phénoménal, n'ébranla pas avec autant de force le coeur des spectateurs. Pour qui n'a pas vécu en direct les succès du Grand Bleu et du Cercle des Poètes Disparus, et surtout pour qui avait dépassé les vingt premières années de sa vie (j'avais pour ma part entre 18 et 19 ans, l'esprit encore plein de rêve et d'utopies), il est difficile de mesurer l'impact que ces deux films eurent sur les jeunes de cette époque. Ce furent, on peut l'affirmer sans crainte d'exagérer, deux succès générationnels, comme autant d'emblèmes portant haut les rêves et les aspirations voire le gouffre abyssal des déceptions de la jeunesse de la fin des années 80. Dans un monde déjà gangrené par la puissance des groupes financiers qui avaient réduit l'individu à une caricature de consumérisme, le beau film de Peter Weir avait jailli comme une oasis miraculeuse dont le discours rappelait à la jeunesse l'importance de la spécificité individuelle, le don de la création poétique. Et le professeur Keating, incarné par l'inoubliable autant que regretté Robin Williams, devint le modèle du professeur de lettres doublé du thérapeute libérant le potentiel extraordinaire, la sève créatrice, de ses élèves, pourtant réprimés par le carcan puritain des Etats-Unis de la fin des années 50.

La musique de Maurice JARRE cependant ne trouva pas chez l'auditeur, contrairement à celle d'Eric SERRA pour Le Grand Bleu, une réelle résonance. Ce dernier profita autant du succès générationnel du film de Luc Besson que l'inverse. Mais ce ne fut pas le cas de la BO de Maurice JARRE demeurée jusqu'à aujourdui dans l'ombre de l'impétueux impact émotionnel du film de P. Weir.
Le réalisateur d'origine australienne, dont je vous conseille vivement de découvrir les premiers films Pique-nique à Hanging Rock (1975) et La Dernière Vague (1977), n'a jamais utilisé la musique de ses films pour compenser les insuffisances des images.
Que reste-t-il du Grand Bleu sans sa musique ? Il en existe une copie américaine que fustige à Forces Parallèles notre éminent Erwin qui signale le caractère inapproprié, et désolamment conventionnel, de la musique alternative qu'y ont plaquée les Américains . Quelle perte pour eux, n'est-ce pas ? Et le film sans sa musique, que devient-il ?
Le Cercle des Poètes Disparus déploie quant à lui une force narrative telle que sa musique en paraît secondaire. Est-ce à dire que le score de Maurice JARRE ne présente aucun intérêt ? Bien entendu, ce n'est pas le cas, mais il est vrai que sa musique se contente d'effleurer les séquences les plus émouvantes du film jusqu'à se faire oublier. Comme je suis sensible à l'ambient, j'ai acheté à l'époque la BO du Cercle des Poètes Disparus. Quand je l'écoute, les images du film jaillissent sous mes yeux avec une évidence et une clarté extraordinaires. Ce n'est pas une BO majeure ni du septième art ni de Maurice JARRE. Elle ne cesse de rappeler au contraire sa discrétion, son humilité qui traduisent avec justesse la subtilité d'un film touché par la grâce. Si la musique n'atteint pas cette grâce, elle touche quand même par son infinie délicatesse, sa pudeur, son atmosphère intime, ouatée, secrète.

A notre époque contaminée par les BO interminables qui voudraient marteler chaque scène et séquence du film au point que ces derniers ne fassent plus confiance aux silences (quelle perte pour le cinéma !), les 19 minutes rachitiques du Cercle des Poètes Disparus peuvent préter le flanc aux sarcasmes. N'allez pas croire cependant que Maurice JARRE fût incapable de créer davantage de musique ! Mais Peter Weir comprend d'instinct la quantité de musique qu'il peut doser dans ses films. Il sait l'utiliser avec parcimonie. Beaucoup de compositeurs qui travaillent avec des réalisateurs aujourd'hui voient leurs partitions invariablement tronquées lors du montage final. Et il n'est pas rare d'entendre dans les BO éditées en CD des pistes inédites car non retenues par le réalisateur. Je suis certain que le score du Cercle Des Poètes Disparus ne contient aucun titre inédit caché dans les tiroirs de Touchstone Pictures. Ne vous attendez pas un jour à voir débarquer dans les bacs la version complète de la BO ici chroniquée. Il est clair que Maurice JARRE a été invité à ne composer que le strict nécessaire. Cela démontre l'intégrité artistique de Peter Weir, cinéaste partisan de la retenue au seul service de l'émotion pure.

La partition ne contient donc que 5 pistes, la dernière, "Football Training", intégrant un extrait du 4ème Mouvement de la 9ème Symphonie de BEETHOVEN, le célèbre Hymne à la joie qui accompagne la séquence où le professeur Keating convie ses élèves à une étrange séance sportive mêlant football et déclamation du prénom de chaque étudiant frappant dans le ballon.
Les pistes 1 à 4 concentrent par conséquent la musique originale de Maurice JARRE qui se caractérise par son minimalisme électronique. A partir de ses claviers qu'il bidouille, le père de Jean-Michel JARRE, de formation classique, confère à sa musique une texture néo classique. Les sonorités qui dominent sont celles d'une harpe (vraisemblablement un sample). Même si "Carpe Diem" ouvre l'album sur une flûte (réelle ou synthétique ?) rêveuse et sensible, la harpe ne tarde pas à imposer ses notes pincées assénées par des attaques très nettes mais sans agressivité. Bientôt, seule la harpe occupe l'espace sonore au point de conférer aux deux titres suivants, le délicat "Neal" et le subtil "To the Cave" la dimension intime d'une sonate pour harpe, parfois caressée par une flûte sensible appliquée au personnage de Neal, l'étudiant passionné de théâtre et dont la vocation, anéantie par son père refusant de le voir s'écarter de la voie médicale qu'il lui promeut au terme de ses études, aboutira à une scène de suicide elliptique d'une force émotionnelle marquante.
De thèmes, la BO n'en possède réellement qu'un, que l'on entend régulièrement à la harpe, un thème discret auquel Maurice JARRE réserve dans "Keating's Triumph" un traitement symphonique inattendu qui sublime la séquence finale du départ du professeur Keating , banni de l'Académie Welton devant ses élèves impuissants et réduits au silence. Alors, le thème prend une ampleur incroyable que magnifie un irrésistible crescendo orchestral, aboutissement d'un score qui, parti du murmure, explose littéralement dans un lyrisme libérateur inoubliable auquel s'adjoignent même des cornemuses écossaises. Le grand moment de l'album, malheureusement aussi puissant que bref.

Rassurez-vous, le label Milan édite cette BO couplée au score d'un autre film de Peter Weir, l'envoûtant L'année de tous les dangers, avec Mel Gibson et Sigourney Weaver (quel couple charismatique à l'écran en 1982 !), composé aussi par Maurice JARRE, partition qui fera l'objet d'une prochaine chronique. Et pour parfaire la durée du disque, Milan a aussi ajouté un thème de Witness (1985) avec Harrison Ford et Kelly McGillis (toujours de Peter Weir et de Maurice JARRE), ce qui amène le disque à la durée descente de 46 minutes.

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   AIGLE BLANC

 
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- Claviers électroniques, Flûte Et Orchest


1. Carpe Diem
2. Neal
3. To The Cave
4. Keating's Triumph
5. Football Training (9°symphonie De Beethoven : Hymn



             



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