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DARK AMBIENT  |  B.O FILM/SERIE

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- Membre : Bande Originale De Film

Maurice JARRE - L'echelle De Jacob (1990)
Par AIGLE BLANC le 28 Juin 2017          Consultée 1040 fois

AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

La filmographie d'Adrian Lyne n'a produit qu'une bien faible moisson. Jugez-en vous-même : Ça plane les filles (1980, une bluette adolescente oubliée aujourd'hui), Flashdance (1983, film musical conventionnel et irrémédiablement ringardisé), 9 semaines 1/2 (1986, film érotique clinquant et faussement sulfureux), Liaison fatale (1987, honnête thriller adultérin où brille la performance de Glen Close mais dépassé depuis par le Basic Instinct de Paul Verhoeven), Lolita (1992, médiocre adaptation du roman sulfureux de Vladimir Nabokov où s'abîmait l'acteur Jeremy Irons) et Infidèle (2002, chronique d'un adultère n'ayant laissé aucun souvenir dans l'esprit des spectateurs amnésiques qui l'ont découvert autrefois au cinéma).

Le nom d'Adrian Lyne ne provoquerait aujourd'hui aucun soulèvement enthousiaste des cinéphiles si n'était dans sa carrière le film L'échelle de Jacob (1990). L'ovni de sa filmographie ou comment un réalisateur clinquant, prisonnier de son esthétique publicitaire et de la vacuité des sujets qu'il aborde, devient en l'espace d'un film un grand cinéaste touché par la grâce. Avec L'emprise des ténèbres du regretté Wes Craven, L'échelle de Jacob est ni plus ni moins le meilleur film fantastique des années 90. Aux USA, on le classe dans la liste des 10 films les plus terrifiants de l'histoire du cinéma. Malheureusement, malgré la puissance dramatique de son twist* final, il est devancé dans la mémoire collective des spectateurs par le pourtant plus récent (et bien plus médiocre) 6°sens de M. Night. Shyamalan.

L'échelle de Jacob réussit la prouesse, sans recourir aux effets spéciaux de post production, de visualiser les démons intérieurs de Jacob Singer, ex-soldat revenu du Vietnam et hanté depuis son retour par des visions d'horreur prenant la forme de silhouettes aux visages informes, le cinéaste s'inspirant des tableaux tourmentés de Francis Bacon et des photographies si dérangeantes, si malsaines, de Joel Peter-Wilkin qui a photographié en noir et blanc des cadavres qu'il intégrait dans des compositions hyper maniaques surgies de son sens esthétique macabre. Une idée convulsive du Beau.
Les créateurs du jeu vidéo Silent Hill reconnaissent depuis leur dette envers ce film.

La présence du musicien Maurice JARRE à la B.O de ce film a de quoi surprendre. En effet, même au début des années 90, son nom n'était pas celui qui venait le premier en tête des cinéastes en quête d'une musique sublimant des visions d'horreur. Et pourtant, le résultat est là : si le score de Maurice JARRE ne peut prétendre au statut de chef-d'oeuvre ni même à celui de classique du cinéma d'épouvante, il propose une vision musicale digne de l'ambition formelle du film d'Adrian Lyne.
Durant les années 80, M. JARRE a délaissé les orchestrations de ses fastes années (Lawrence d'Arabie, Docteur Jivago, La route des Indes) au profit des synthétiseurs. C'est ainsi que pour Peter Weir, il signa les scores synthétiques de L'année de tous les dangers, Witness et Mosquitoe's Coast; pour Peter del Monte celui de Julia & Julia et pour Michel Apted celui de Gorilles dans la brume.

Le score de L'échelle de Jacob s'inscrit parmi les plus anxiogènes et les plus terrifiants de l'histoire de la B.O.
Les instruments paradoxalement ne brillent pas par leur originalité : des nappes et des bruitages synthétiques, une flûte, un violon, un piano solo, des voix trafiquées et un choeur.
Le score comprend 5 titres originaux d'une durée avoisinant les 8 minutes auxquels s'ajoute en conclusion la reprise du standard "Sonny Boy".
Il n'est pas rare qu'un film d'horreur intègre dans sa bande sonore une chanson populaire qu'il détourne de sa fonction initiale en la pervertissant. Kubrick l'avait déjà fait dans son terrifiant Shining qui se clôturait par le standard du music-hall "Home" et John Carpenter de même dans Halloween 2 dont le générique de fin diffusait la chanson légère "Mister Sandman" avec une ironie vicieuse.
"Sonny Boy" est un standard du music-hall popularisé par Al Jolson en 1928. Ce chanteur est le premier acteur noir à être apparu dans un film parlant. La chanson apparaît aujourd'hui d'une sensiblerie bien démodée, mais elle traduit avec justesse, dans le film, l'amour tragique de Jacob pour son fils décédé au cours d'un accident de bicyclette. Ce titre offre, en fin de parcours, une note apaisante qui contraste fortement avec les 4 autres pistes éprouvantes du disque.

Les pistes de l'album, à l'exception de la dernière sus-mentionnée, s'écoulent sans discontinuité. Chacune a beau comporter un titre, leur enchaînement annihile toute possibilité de distinction. Cette chronique ne va pas par conséquent évoquer l'album titre par titre, cela n'aurait aucun sens.
La B.O est sous-tendue par le fil directeur d'un thème néo-classique au piano solo, d'une incommensurable tristesse et tout imprégné de la douleur de Jacob depuis la perte de son fils. Ce thème annonce la tonalité sombre et mélancolique de la partition. Il en est aussi son plus fort vecteur d'émotion.
Pour la descente aux enfers psychique de Jacob, Maurice JARRE recourt de manière évidente aux nappes de claviers qui diffusent elles aussi un mal-être constant, transpercées par des grincements métalliques et des ronronnements proches du drone. Une flûte japonaise étale inlassablement et par intermittences sa dépressive langueur. Elle contribue aux passages les plus envoûtants du film et de la B.O, soutenue par des effets vocaux du plus bel effet.
Si la partition évolue dans une ambient assez monotone, mais très efficace quand l'esprit est marqué au vif par les images hallucinantes du film, en revanche, elle voit son impact décuplé par les interventions sporadiques d'un choeur féminin venu des pays de l'Est. Ces voix bulgares sont le trait de génie de Maurice JARRE qui a eu l'intuition incroyable de les détourner de leur univers Folk pour leur conférer une dimension satanique proprement tétanisante. Les passages où ce choeur intervient contaminent l'espace sonore avec une puissance phénoménale rappelant quelque peu le choeur liturgique perverti du Ennio MORRICONE d'Il grande sorriso dell'grande tentatore (1974).

La musique de L'échelle de Jacob nous invite à un voyage d'une insondable et irrémédiable tristesse, traversée par des éclats de furie vocale à glacer le sang. L'atmosphère anxiogène y est particulièrement irrespirable.
Il s'agit à n'en pas douter d'une grande réussite du compositeur français dont l'essentiel de la carrière s'est construite aux USA.

Twist* : Le twist désigne l'énorme surprise qui prend à revers le spectateur, généralement en fin de film, et qui l'oblige à le visionner une seconde fois avec un regard et une compréhension totalement différents.

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   AIGLE BLANC

 
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- Judd Miller (claviers)
- Michael Boddicker (claviers)
- Michael Fisher (claviers)
- Ralph Grierson (claviers)
- Rick Marvin (claviers)
- Gloria Cheng (piano solo)
- Kazu Matsui (flûte shakuhachi)
- Jubilant Sykes (voix solo)
- Kari Windingstad (voix solo)
- Shankar (violon & voix)
- Kitka (chœur féminin)


1. Jacob's Ladder
2. High Fever
3. Descent To Inferno
4. Sarah
5. The Ladder
6. Sonny Boy



             



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