On prend les mêmes et on recommence… Pour ce dernier album, Dominique Laurent quitte Unidisc pour rejoindre PG, le micro-label de Philippe GUERRE, autre franc-tireur de la musique électronique underground. Fantasmusics est foncièrement proche de son prédécesseur mais en élargit la palette sonore… peut-être même trop?

Le piano électrique et le Solina String Ensemble, ayant dominé sur Azur Et Ténèbres (1982), sont désormais passés au second plan au profit du piano acoustique et de davantage d’effets sonores électroniques: les rythmes claudiquants de "Draculabyrinthe", le bouillonnement du "Violon De Belzébuth", la boîte à rythme entêtante de "Escaliers Sans Fin", le brouillard sinistre de "La Présence Venue De L’Ombre".
Mais ce qui fait la différence majeure de Fantasmusics avec le précédent album, ce sont plusieurs morceaux de théâtre sonore, à grands renforts d’objets sonores divers et variés, des bribes de conversations entrecroisées du "Violon De Belzébuth" aux craquements de sournois de "La Planète Craque", en passant par "Le Dernier Voyage", où une complainte lyrique succède aux crissements du coche. Le long "Uccelli Peccatum" est un vrai patchwork, entre une foire médiévale, des improvisations au saxophone baryton, un feu et une chanson de pop-rock italien; entre chaque saynète, des appeaux sur un orgue baroque jouent le rôle de décor fixe.

Autant j’apprécie beaucoup "Le Violon De Belzébuth" et "Uccelli Peccatum" ("Les oiseaux du péché"), chacun dans leur genre, autant "Acqua Capricciosa" me laisse perplexe. Les réécoutes n’y font rien, cette bluette m’est toujours aussi imbitable, une espèce de comptine chantonnée dont l’emphase frise le ridicule. M’enfin, il faut de tout pour faire des Fantasmusics, n’est-ce pas?

Des morceaux plus mélodiques se présentent en points d’accroche à l’auditeur circonspect devant un tel éclectisme. "Le Cirque Fantôme" est un petit thème triste peu mémorable, auquel nous préférerons le boléro des "Escaliers Sans Fin", qui presse le Solina dans la montée effrénée des escaliers d’une tour pentagonale, jusqu’au trébuchement et à la chute fatale dans le vide. "Tango Sulfureux" joue sur les contrepieds, entre un thème drolatique en blues à l’accordéon et une belle mélodie triste. Tout comme "Escaliers Sans Fin", "La Planète Craque" retranscrit à merveille un sentiment d’urgence et de panique, sur un piano ostinato. "La Présence Venue De L’Ombre" décline une unique phrase musicale en plusieurs rythmes, ambiances et tempéraments, tantôt timide, tantôt menaçante, tantôt lugubre, s’effaçant dans le brouillard. "Le Dernier Voyage" est particulièrement maussade mais fonctionne bien en conclusion.

Entre comédie burlesque et souffle dramatique, Fantasmusics est l’œuvre la plus sombre et ambitieuse de Dominique LAURENT. Il lui manque seulement davantage de densité et un meilleur équilibre pour être vraiment marquante. En l’état, cet album n’est pas qu’une simple curiosité, c’est une belle rêverie, délicieusement anachronique à une heure où la musique digitale étend son emprise.

3 ½ sur 5