Ça fait longtemps que j’y pense, que je commence à en parler autour de moi.

Le vieux rêve, qui apparaissait parmi les 500 choses à réaliser au cours de sa vie dans une formation que j’ai pu suivre sur comment (bien) coder en Dotnet, langage de programmation proche du Java pour les connaisseurs. Pas le songe suscitant le plus l’envie sans doute dans la pensée générale commune, perdu entre les voyages divers. Écrire un livre. Facile à dire.

Mais quel genre d’ouvrage ? Un polar bien noir, sordide à souhait ? Une science-fiction, chose alambiquée comme les affectionnait K. Dick ? Un mélange de ces deux styles en y adjoignant une conscience musicale, je partirais ainsi d’un petit peu moins loin a priori.

L’idée pourrait consister à décrire ce que je nomme personnellement la chanson cinq étoiles. Une chanson parfaite de bout en bout, celle dont on sait qu’elle va nous accompagner pour le reste de notre vie, qui fait se dresser les poils dans un mouvement d’eargasme incontrôlé, chacune de ses notes la composant entrant en résonance parfaite avec notre corps et âme. C’est un peu notre drogue à nous, les mélomanes fous, notre quête sans fin, celle qui nous pousse à chercher encore et toujours de quoi alimenter notre addiction, de manière à semer toujours plus le doute dans nos certitudes et nos toptens quotidiens.

En plus de préfixer l’intitulé d’un assez célèbre club de football suisse, grasshopper désigne un insecte bondissant, sauterelle ou criquet. Il s’agit du titre choisi pour désigner cette composition instrumentale et imposante clôturant cet EP et composée par RIDE, un des groupes les plus fameux du courant dit Shoegaze, ce mur de son à mi-chemin entre Noise, Pop et Psychédélique. Un titre cinq étoiles donc, grâce auquel j’ai pu également enfin mieux cerner le quatuor anglais et son travail, me faisant sereinement envisager une réécoute attentive du classique Nowhere.

La chanson est finalement construite comme un titre Jazz classique. Un thème constitué d’un monumental riff encadré par des mouvements amples de batterie l’ouvre et la conclue. On songe d’ailleurs nettement à Keith MOON en écoutant Laurence COLBERT pour cette façon de peupler l’espace qu’il va poursuivre lors du développement du morceau. Une progression très Post-rock en réalité, tour à tour tempétueuse ou plus calme, vagues perpétuelles frappant une plage au crépuscule ou à l’aube. Virages, épingles dangereuses, harmonies orientales voire japonisantes créées par ces duels de guitare aux harmonies carillonnantes dilatant le temps, la confusion culminant à un instant où on ne sait plus vraiment quelle heure il est, quel jour, quelle année : l’orée de ces trois dernières minutes où le loup, ne parvenant à trouver le sommeil en plein soleil, sort finalement du bois.

"The Diamond Sea" signé SONIC YOUTH ou la merveille "Southpaw" envoyée par MORRISSEY voire l’acide "Interstellar Overdrive" dans ses moments liquides les plus psychédéliques, voilà les images convoquées par "Grasshopper", que l’on peut écouter quinze fois de suite en y découvrant de nouveaux paysages lunaires à chaque tentative.

Comment, il y a d’autres morceaux sur ce single ?

Détail.

Seijitsu vous a déjà brillamment exposé les qualités irradiant "Leave Them All Behind" et "Chrome Waves" – je préfère d’ailleurs les effluves éthérées animant la seconde à la première – via sa chronique de Going Blank Again, auquel ce "Grasshopper" fut adjoint en ultime titre bonus dans la réédition paquetée par Wichita en 2022. Un choix judicieux – ce single n’ayant jamais été repressé depuis 1992 – qui nous rappelle à quel point aller au bout de ce que l’on commence peut être décisif.