Il y a parfois des destinées artistiques qui semblent devoir ne pas connaître de trajectoire des plus rectilignes. Au hasard, prenez le cas de SLOWDIVE. Les Anglais de Reading, même en ayant été parmi les principaux pionniers du shoegaze au début des années 1990, ont rapidement été ignorés, méprisés du moins par la presse musicale anglaise, puis quasiment oubliés. Cette situation malheureuse n'a pourtant pas empêché paradoxalement le groupe d'être une influence discrète mais durable bien au-delà de sa propre sphère musicale. Le retour discographique inespéré et gagnant en 2017 après une hibernation de plus de deux décennies a replacé SLOWDIVE au centre des attentions et des émotions. C'était une nouvelle occasion pour le fan et le curieux de (re) plonger dans son univers évanescent où l'introspection se fait naturellement la part belle.

Si SLOWDIVE n'a forcément plus rien à prouver en termes de réussite, le fan, lui, et c'est sans doute l'un de ses problèmes majeurs, ne désire pas nécessairement que les choses changent, comme si le pauvre avait une quelconque prise sur le projet. Il pourra déjà au moins se satisfaire du simple fait que Everything Is Alive est seulement sorti six ans après le come-back magistral. Cette sensation d'être vivant, donc, vient sans doute, entre autres, des conditions de l'élaboration même du cinquième disque des Anglais. Les premières ébauches ont débuté au début de l'année 2020 juste avant le COVID et cette même année, Rachel Goswell a perdu sa mère et Simon Scott, le batteur, son père. Même si SLOWDIVE a toujours pratiqué une musique à haute teneur émotionnelle, ces événements ont certainement, au moins indirectement, irrigué, conforté ce sentiment.

Il n'est dès lors pas surprenant, comme avec le superbe "Andalucia Plays", d'avoir le cœur fortement serré. Si comme souvent avec SLOWDIVE, à l'image de la pochette-labyrinthe, l'auditeur peut se perdre dans les méandres des paroles aussi simples que sibyllines, ce morceau secoue néanmoins de nouveau délicieusement. Il est comme une synthèse de ce qu'est le projet à son meilleur. Neil Halstead allie ainsi sa voix apaisée aux effluves folk, nappes de claviers ambient, guitare à la CURE et voix fantomatique de Goswell pour notre plus grand bonheur. Je sais que ce terme prête souvent à sourire, mais je crois que ce rêve éveillé n'a jamais aussi bien porté ce nom. Indéniablement, Everything Is Alive est un disque d'atmosphères. Par son très beau travail sur les claviers et sa torpeur addictive, il pourra rappeler le pourtant mal aimé Pygmalion (1995).

La seule réelle entorse à cette option pas nécessairement la plus fédératrice sera le juvénile et direct "Kisses" qui, soutenu par de belles guitares aériennes, se démarque de l'ensemble par son évidence pop. Autrement, peut-être encore plus qu'auparavant, SLOWDIVE va à l'essentiel et nous invite à un voyage où l'épure règne en maîtresse. Cette dernière, à l'image de l'introductif "Shanty", se voit zébrée par moment par une tension électrique qui ne brise en rien pourtant ce sentiment de quiétude mélancolique. Même lorsque les guitares familières se dévoilent, comme sur "Alife", elles ne sont plus l'architecture de ce fameux mur du son qui était l'une des composantes majeures du projet.

SLOWDIVE confirme ainsi le fait qu'avec Everything Is Alive, la naphtaline n'est définitivement pas pour lui. En effet, si les Anglais se montrent toujours adeptes d'une contemplation éthérée (l'instrumental flottant "Prayer Remembered"), ils s'aventurent vers de nouveaux horizons qui laissent espérer pour le futur encore de belles choses. Ce sont donc sur les deux derniers morceaux que reposent ces promesses. "Chained To The Cloud", même en gardant une ossature mélodique prononcée, ne s'apprivoise pas si facilement. La voix soyeuse de Goswell nous permet cependant de ne pas momentanément se sentir mis à l'écart. Le conclusif "The Slab" quant à lui, par ses répétitions sinueuses et ses accélérations fiévreuses, possède un petit côté "The Kiss" de CURE (encore une fois). Il emmène l'auditeur dans une sorte de tourbillon final qui le laissera quelque peu hébété lorsque le voyage sonore se terminera. Du grand art.

Everything Is Alive, s'il ne se dévoile pas aussi directement que l'opus précédent, n'en demeure pas moins un disque réussi qui demandera juste un petit temps d'infusion. Il rappelle aussi opportunément que SLOWDIVE n'est pas capable de proposer un mauvais disque et qu'il demeure à l'évidence avec cette pièce maîtresse LE groupe de pop rêveuse par excellence.