Si LABRINTH avait déjà rencontré le succès avec son premier disque (merci aux featurings bien placés et poussés en avant), le chanteur revient sept ans après Electronic Earth avec un son plus réfléchi et moins m’as-tu-vu sur Imagination & The Misfit Kid en novembre 2019. Sa bande-originale d’Euphoria sortie à peine un mois avant y est peut-être pour quelque chose : le chanteur commence sans doute à apercevoir la liberté que peuvent offrir certains environnements et c’est possiblement ce qu’il veut dire par ce titre, lui qui le décrit presque comme s’il avait vendu son âme d’enfant et son imagination en échange du succès. Et le grand méchant loup, c’est bien évidemment le terrible Simon Cowell chez qui il signe ici son dernier projet.

C’est donc chez les misfits que LABRINTH semble nous donner rendez-vous, puisqu’il opère toute la B.O de la saison 1 d’Euphoria, le royaume des misfits 2.0, où on retrouve aussi certaines de ses chansons du présent album. LABRINTH peut donc doucement préparer son évasion et commencer à planter le décor avec l’intro "Imagination" faite de synthés aériens (And we plant these seeds that we call ideas/And they grow like trees, bearing fruits on twigs/And we just don’t leave ‘cause we like it here).

Le son du compositeur-interprète prend de plus en plus ses marques dans un hip-hop chaotique et revisité dont lui seul semble détenir la clé comme sur le single "Misbehaving - The Misfit Version" qui mêle éléments électroniques, riffs de guitares funk à un ensemble de trompette, de saxophone et de trombone créant un hymne pour ceux qui vivent à contre-courant (Don’t tell me yes, don’t tell me no/I had enough when I say so/They say there’s chaos where there ain’t control), un peu comme on l’a vu dans "Sweet Riot" sur son dernier album.

On sent encore certaines sonorités de ses bangers de l’époque sur le r'n'b atmosphérique de "Miracle" aux violons superposés à de l’électro à foison, puis sur les synthés et les effets vocaux de l’interlude "Juju Woman". Mais la vibe est différente, LABRINTH ne semble plus chercher à faire des hits à tout prix, même si c’est ce pourquoi il signe sur "The Dotted Line/Juju Man", un titre groovy au possible où le chanteur vend finalement son âme au diable (I’ll give you money comin’ down like hailstones/Weatherman said you’re gonna need a raincoat/You can have everything that you came for).

Vient ensuite l’énorme production de "All For Us" interprété en duo avec la chanteuse et actrice ZENDAYA, et pour cause : la chanson clos la première saison d’Euphoria dans un final grandiose et dramatique sur ce beat r'n'b costaud agrémenté d’un ensemble de cuivres et d’une chorale aux accents gospel. Il n’y a pas de petites victoires, mais l’intensité de ce titre en fait l’un des plus gros succès du chanteur, à écouter sans modération.

Plus lente, presque traînante avec son orgue et ses synthés distordus, "The Producer" montre la frustration de l’artiste qui pourtant travaille dur mais se sent toujours inférieur que ce qu’il produit (You can find me in the darkness/Layin’ tracks just like a railroad). Si la piste précédente a des sonorités empruntées au blues, "Something’s Got To Give" est clairement une chanson au r'n'b-électro plus joyeux où LABRINTH est encore aux côtés de sa chorale et qui se termine par un moment plus funky.

On aurait pu se passer de l’interlude au vocodeur "I’m Blessed", même si elle a sa place dans l’histoire racontée par le chanteur - une histoire faite de hauts et de bas, superbement poursuivie par "Like A Movie" qui mélange habilement électro 80's à des teintes vintage avec des guitares rock’n’roll old school (Yeah, I’ve made some money before/But we gon’ need some suitcases).
Comme souvent chez LABRINTH, l’atmosphère est à la fois enjouée, profonde et parfois même extraordinaire, alors le côté décontracté de "Sexy MF" est bien venue puisque le chanteur repart sur une célébration de son succès ultra-produit avec le refrain punchy de "Where The Wild Things".

Un de ses plus gros tubes, "Mount Everest" - aussi présent sur la B.O d’Euphoria - nous place au point culminant de l’histoire : notre misfit, tout en haut de sa gloire, reste un artiste torturé (I burn down my house and build it up again/I burn it down twice just for the fun of it/So much money I don’t know what to do with it) et l’atmosphère sombre et cinématographique le dépeint en quête d’indépendance, un peu dérangé et peut-être ayant déjà franchi la limite à ne pas dépasser (I don’t need nobody/To save me), comme on le voit aussi sur "The Finale" (So who you gonna call when you’re standing on top of the world and it still don’t feel like victory?).

LABRINTH retrouve sa pote SIA pour la chanson finale "Oblivion" où la chanteuse n’en fait pas trop pour une fois et se contente d’accompagnements assez minimalistes pour raconter la fin de cette grande épopée vers le succès sur une instrumentation aux violons qui se déploient, donnant un goût suprême à ce chapitre final (Heaven never heard me calling/Guess this is the reason I feel like hell/Weatherman, the rain is pouring).

Avec des pistes aux influences soul et funk comme "Misbehaving", "Dotted Line/Juju Man" ou "Like A Movie", LABRINTH prouve qu’il n’a clairement pas peur de prendre des risques et d’amorcer un tournant plus mûri. Sa musique est probablement plus étudiée et délibérée qu’à ses débuts, et pourtant, l’ensemble sonne plus authentique que jamais, comme sur le titre "Mount Everest". Le chanteur-producteur n’a plus grand-chose à prouver : il sait tout faire, surtout créer un storytelling sensé qui nous tient en haleine jusqu’à la fin.