Sorti début 1967, le single "I’m A Man" est devenu un tube mythique, le dernier signé Steve Winwood au sein du SPENCER DAVIS GROUP. Après cela, Steve et son frère Muff prennent leurs cliques et leurs claques pour entamer des carrières solo. En attendant, "I’m A Man" incarne superbement ce moment charnière où la Pop anglaise - nourrie de longues années au rhythm and blues américain - commence à prendre des formes plus féroces et plus électriques.

Près d’une minute d’intro instrumentale qui conjugue la technique, l’urgence et une aura de cool à un niveau presque indécent. La batterie de Pete York s’impose comme jamais, martelée avec charisme, alors que la basse brute de Muff Winwood est là pour apporter un funk incroyable à ce coup de poing musical. Ce n’est pas pour rien que le titre sera repris ensuite par CHICAGO dans une version jazz-rock cuivrées : cette fondation rythmique sur laquelle repose "I’m A Man" invite vraiment à toutes les réinventions.

La performance vocale de Steve est, comme à son habitude, génialissime. Son talent est indéniable, aussi bien au chant que derrière l’orgue Hammond dont le riff sur "I’m A Man" reste l’un des plus sauvages de l’histoire du rock anglais. Avec ce riff au groove certain, Winwood crée une tension dramatique totalement inébranlable, le canevas parfait pour poser sa voix imprégnée d’âme et de blues. Ils sont peu nombreux, les chanteurs blancs qui peuvent à cette époque être à la hauteurs de leurs influences noires mais Steve le fait avec un naturel et un magnétisme qui invitent à l’admiration.

L’urgence est animale, Steve et ses comparses jouent avec leurs tripes, un pied dans la rébellion et un pied dans la séduction. "I’m A Man" est une déclaration d’amour qui sonne comme un chant anticonformiste, à couper le souffle. On est loin de la déclaration virile dénuée d’ironie, car ici, le SPENCER DAVIS GROUP vire vers des boucles et des sonorités proches du rock psychédélique et cette chanson incarne une jeunesse vivante, brûlante, à qui le monde appartient.

Inoubliable, "I’m A Man" a eu une postérité sensationnelle grâce à la version plus connue de CHICAGO même si l’originale reste inégalée selon moi. Incontournable du répertoire du SPENCER DAVIS GROUP, elle marque la fin du groupe tel qu’on le connaît et reste une référence absolue dans l’histoire du rock britannique ; un groove monstrueux qui n’a rien perdu de sa fraîcheur un demi-siècle plus tard.