Quand on est un chanteur, que l'on aime le rock mais que l'on se fait connaître (euphémisme !) par un hit disco, que fait-on ? La logique voudrait que l'on continue dans cette veine, bon an mal an, afin d'exploiter le succès, quitte à tirer sur la corde au bout d'un certain temps.

Eh bien non, Patrick HERNANDEZ n'est pas de cette trempe-là.

Certes, et sans qu'il le sache encore, son tube parmi les tubes, "Born to Be Alive", lui apporte une retraite à la fois anticipée et assurée (c'est toujours aussi dingue, quand on y pense). Sans doute, avec son producteur Jean Vanloo, était-il prévu qu'il poursuive dans le même ton, mais il n'en sera rien, ou presque.

Notre rockeur chevronné veut revenir à ses premières amours. Ou du moins, à quelque chose de moins surfait que la disco.
Ce qui nous donne un petit chapelet de chansons nouvelles, cette fois co-écrites avec le parolier Garry Travers qui a déjà travaillé entre autres pour Marcia WALDORF. Jean Vanloo donne lui aussi sa menue part en la matière, notamment le morceau encadrant le reste de l'album dans deux versions différentes : "Can't Give It Up". Voilà bien ce que ce deuxième album peut offrir de plus dansant: des éléments funk noyés dans de la bonne west-coast des familles, mais avec un certain mordant lié plus directement au courant rock. Ah, ces guitares 'clean' roulantes, cette hargne dans la voix d'HERNANDEZ qui va aussi chercher du côté des crooners ! La basse slape à gogo, les cuivres tombent en cascade, le son est excellent et les choeurs renforcent l'efficacité à l'image de la mélodie. Il y a donc une 'part II' à ce morceau en fin d'album, mais qui évolue plutôt sur un terrain reggae-funk plus lent. Certaines compilations ont eu l'idée saugrenue de fondre les deux parties en un seul morceau de quatre minutes, avec une transition brusque et évanescente.

Tout n'est pas 'fou' ni d'un grand niveau dans Crazy Day's, Mystery Night's. Le troisième titre à demi éponyme justement offre une bonne ambiance musicienne où cela joue bien, mais reste un peu trop pépère et détendu pour susciter la passion. "Slow Down" propose un rhythm'n'blues déjà plus dingo et fun, avec de nouveau des intonations variées par Patrick qui se répond à lui-même sur le refrain en notes graves et plus robotiques.

Viennent ensuite les ballades, à savoir d'abord "Crazy Day's" dont on devine l'essence folk, délivrée tout en sensualité ample et réverbérée. L'orchestration symphonique cordes-hautbois y est fine, les guitares en toile de fond sont inspirées. Les choeurs sucrés s'élèvent à la fin et monsieur Patrick en profite, quoique pas encore assez. Cela reste très sympathique et bien fait. "Losing Sleep Over You" installe un peu de brume sur les côtes californiennes (à moins que ce ne soit celles d'Atlanta où, hormis la frontière belge, l'album a été en partie enregistré), on retient là aussi pas mal de finesse dans l'arrangement à tendance slow fin de 70's, avec basse proéminente, piano Fender Rhodes et choeurs bien léchés.

Reste celui qui se présente comme le meilleur morceau et a le plus injustement manqué d'être un grand succès pour HERNANDEZ, même si loin de "Born to Be Alive" dans tous les cas : "Down on Easy Street". Rock à tendance 'démodée' lui aussi en ce début d'années 80, il s'agit d'un moment AOR/pop héroïque dans tout ce qu'ils ont de plus éclatant, avec une évidence indéniable. Outre les choeurs et synthés en nappes, on rencontre d'excellentes timbales et cordes dès le deuxième couplet. Ce titre épique reste en tête pour de bonnes raisons.

C'est le deuxième effort de l'homme à la canne, et en termes de reconnaissance, qui a tout d'un album d'artiste de seconde zone, pas d'un chanteur plein aux as. Musicalement, en revanche, si l'on s'y intéresse, c'est quand même plus que cela !