Bienvenue dans l’univers du projet COIL qui, à l’instar de l’univers par nous parfaitement inconnu, n’a pas de limite.

Peter SLEAzY Christopherson, ancien membre du légendaire THROBBING GRISTLE et fondateur de PSYCHIC TV au côté de Genesis P-Orridge, s’est trouvé un nouveau compagnon (dans tous les sens du terme) en la personne de John Balance – La voix. A eux deux (plus les invités de marque), ils vont à la fois solidifier et déstructurer ce que le petit monde très passionné de l’indus avait scrupuleusement autant que 'dégueulassement' détruit.

Ce fameux Horse Rotorvator, plus encore que le très expérimental Scatology, se démarque de son temps par son côté sombrement baroque, joyeusement loufoque et tragiquement mortuaire. Il sublime une époque géniale mais peu capable de se penser elle-même. Il culmine en lui-même tout ce que l’Esprit au mieux de sa forme psychédélique peut faire de plus intense et mémorable.
-Le COIL grinçant et reptilien : "Anal Staircase", qui ouvre le bal dans un éclat de sang et de sperme synthétique ; la terrible "Penetralia", avec ses très gros riffs metal indus avant l’heure (nous sommes en 1986 !) et surtout la très visqueuse et déjantée "Circles Of Mania", où plane l’esprit de Jim Thirlwell, le talentueux détraqué de FŒTUS, ici rebaptisé Clint Ruin.
-Le COIL aimant, magnétique : "Slur", traînante et mélancolique comme un chien errant par temps de pluie verglaçante, aux abords d’un pub aux lumières chaleureuses. La superbe, phosphorescente et funèbre "The First Five Minutes After Death" ; probablement le plus envoûtant et magique des titres ici présents.
"Ostia (The Death Of Pasolini)", l’épique, nous emmène dans le monde antique et ruiné du poète et réalisateur Pier Paolo Pasolini, sous l'éclatant soleil du vieux port de Rome. Un classique du groupe.
Ou encore la reprise très electro-folk de Leonard COHEN, "Who By Fire", accompagnée par la voix si sensuelle de Marc Almond.
-Le COIL hanté, presque funéraire, à commencer par la cristalline "Blood From The Air" et ces mots malheureusement quasi prophétiques : Death, he is my friend / He promised me a quick end. Comme un point noir, un trou noir dans l’intergalactique voyage ici promis. Ou alors le retour de l’étoile oubliée ; en tout cas une pièce musicale, un poème sonore d’une froideur minimale accentuée par de profonds synthés. "The Golden Section" : l’esprit du chêne se réveille (réminiscence de Tolkien ?) ; une ambiance martiale et majestueuse qui n’est pas sans rappeler TEST DEPT.

En fin de compte, Horse Rotorvator ne présente strictement aucun temps mort ; et si temps morts il y a, alors c’est probablement le plus fort de tous les temps morts.
Ce captivant labyrinthe d’impressions et de sensations paradoxales, antagonistes et pourtant si charnellement liées forme quelque chose de rarement atteint, ici ou ailleurs. Quelque chose qui tient à la perfection, qui tend vers le cœur des choses et y parvient – miraculeusement.

J’aimerais dire que ce disque est indispensable – pour la simple et évidente raison qu’il l’est – mais comme je pourrais étendre cette remarque à un nombre conséquent d’opus de leur opulente discographie, je dirais alors qu’il s’agit là d’un chef-d’œuvre à part, d’un chef-d’œuvre d’une jeunesse finalement très proche de l’esprit tragique de Shakespeare et de l’esprit tordu d’un autre William, non moins tragique.