L’Ouzbékistan présenté ici n’est pas tout à fait le même que celui des guides touristiques. Ici, on croule sous les saturations de basses enflammées en psalmodiant des chants d’oiseaux à l’envers.

C’est aussi, à en croire la légende, un album qui aurait échappé à Bryn Jones dans le sens où les coupures ou brutales augmentations/diminutions de son, toujours volontaires et volontiers déroutantes, seraient ici, du moins par endroits, accidentelles.
Qu’importe dans le fond. D’ailleurs, un des opus les plus estimés de notre Anglais, Farouk Enjineer, bénéficie de la même réputation. A y regarder de plus près, Uzbekistani Bizzare And Souk, malgré des longueurs somme toute assez excusables, bien que parfois gonflantes, est d’une facture assez proche de l’excellence.

Typique du MUSLIMGAUZE le plus noisy, "Cafkir Wa Hig", au rythme hip-hop pachydermique, écrase joyeusement l’auditeur déjà bien secoué par la jungle sauvage et sèche de "Abdul’s Halal".
Cela dit, dans le genre énorme et énormément saturé mais cependant finement épicé, il y a la très réussie "Harijana". On atteint ici des crispants sommets de noise entrecoupés par les bas-fonds du même bruit mais comme mis en sourdine.

A l’inverse, le très roboratif et lobotomisant "Paper Gulag" peut sembler dispensable à première écoute non dégourdie, mais à mesure que l’on prend pied sur le sol sec et brûlant de cet espèce d’Ouzbékistan, il apparaît (de même que son frère jumeau défiguré, "Paper Gulag 2"), comme un incontestable classique parmi une liste de classiques déjà très chargée. La présence quasi constante d’un riff de cithare tournée en forme de drone aide beaucoup – cette dernière remarque vaut pour un nombre considérable de créations de notre ami, car toute son œuvre en forme de testament sonne comme une violente contestation anti-impérialiste tempérée par les échos d’un Orient rêvé et pourtant pas si lointain. La singularité de MUSLIMGAUZE tient pour beaucoup dans ce remarquable équilibre entre trame harmonique, même réduite au plus simple accord, et explosion de colère saturée.

On peut objectivement dire de ce genre d’album qu’il rend au silence sa juste valeur. En tout cas, c'est l’un des plus originaux et extrêmes du très prolifique et inspiré Bryn Jones.