Marcel Duchamp est, à ma connaissance, le premier artiste moderne à avoir évoqué, dès ses premiers travaux de déconstruction massive, le concept de "vagin de l’esprit". C’est ce genre de concept qu’il faut avoir en tête à chaque fois – je dis bien à chaque fois – que l’on tente d’écouter la musique hautement subliminale de COIL.

Unnatural History III, le troisième opus de déstockage de notre couple préféré, nous invite dans la fructueuse et expérimentale période s’étendant quelque peu après les premiers jets du projet jusqu’à l’an de grâce 1996, c’est-à-dire peu avant le grand trip de Time Machines.

Cette excellente compile s’ouvre de manière parfaitement psychédélique, expérimentale à souhait avec l’entraînant "First Dark Ride". La musique de COIL prend ici l’allure d’une déesse callipyge et élastique ; et ses courbes généreuses débordent largement sur l’irrésistible, presque câline "Baby Food" – un des sommets du groupe.
Puis on glisse vers les charmants et burlesques interludes easy-listening que sont les "Music For Commercials", contemporains des fameux "Themes For Hellraiser" : flûtes, piano, synthés, cordes élégantes – COIL en mode ART OF NOISE lui-même en mode musique d’ascenseur mais qui descend bien plus volontiers qu’il ne monte, si l’on veut.

"Panic" vient nous remettre les doigts dans la prise ; avec son beat massif et entêtant, la voix menaçante de Balance et son groove bien glacial – un bon vieux cru de 1985 et qui ravira pour sûr les amateurs de FŒTUS.
Une ambiance de film noir sur la très indus et intense "Feeder", composée en partie par les anciens camarades CHRIS & COSEY, nous emporte loin en dessous de la surface avant que de retrouver, avec "Wrong Eye", un thème connu des amateurs de LSD, ainsi que la belle Rose McDowall au chant.
Après un "Scope" quelque peu vomitif dans son orgie de flanger, le voyage prend fin sur la très élégante et mélancolique "Lost Rivers Of London", où Balance récite un poème de Hubert Crackanthorpe : "And all the air hangs draped in the mysterious sumptuous splendor of a murky London night."

Il y’a quelque chose de fondamentalement liquide dans ces assemblages de sons hétéroclites, ces osmoses synthétiques ; liquide mais pointu, comme des plages de roches tranchantes et cristallines balayées par une ondée tantôt bleuâtre, tantôt rosâtre. Quelque chose ce coup-ci de Tennessee mais d’un Tennessee repeint par William Blake et contemplé, aux premières loges, par la Bête qu’il contenait en lui-même.

Un 4 sur 5 très chargé.


ps (Ne pas systématiquement chercher à comprendre comprend des bénéfices pour la santé du corps et de l’esprit.)