Autre Vauclusienne, native de Pertuis, aux confins est du massif du Luberon, Michèle TORR est élevée un peu sur le modèle de sa mère, elle aussi chanteuse, dépassée en idolâtrie seulement par Edith PIAF, et qui l'encourage dans ses aspirations artistiques. À Avignon où la famille réside ensuite, elle la fait participer dès l'adolescence à des concours de chant de quartier, dont la demoiselle ressort gagnante en 1962 (la Môme, qu'elle reprend, lui porte bonheur), juste devant une certaine Mireille MATHIEU. Dans l'intervalle, Michèle TORR, devenue une célébrité locale, ne se contente plus de la province et monte vivre à Paris en compagnie de sa mère et de sa petite soeur, dans l'espoir de percer dans le métier.

Elle rêve d'entrer aux Folies Bergère, mais il en va autrement grâce aux bons soins de son producteur, Jean Albertini dit Jean-François Maurice, qui est aussi celui de CHRISTOPHE ; les deux vocalistes ont une liaison et même un enfant par la suite. Signée chez Mercury, son premier album paraît pour ses 17 ans, en 1964, et tout s'enchaîne vite. Premier tube, rapprochement avec Claude FRANÇOIS qui lui apprend beaucoup sur le métier et dont elle assure les premières parties (quand elle ne le fait pas pour Jacques BREL, au Palais des Papes à Avignon justement), et un Olympia complet durant un mois.

Le premier album contient en exergue le single à succès "Dans Mes Bras Oublie Ta Peine", avec une bonne batterie pour soutenir le chant de Michèle, plutôt 'droit' comme le lui a suggéré Cloclo ; les 'r' roulés de "Dans Ma Rue", à la Edith PIAF, elle les laisse vite tomber. Les deux chansons sont d'ailleurs liées par la même formule, bluettes pop américaines ("Let Me Make You Smile Again" de Ginny ARNELL et "Down Our Street" de JACKIE & THE RAINDROPS) toutes en féminité adolescence, en émois et tendresses de demoiselles amoureuses sur fond de musique 'yéyé'. "Dans Mes Bras Oublie Ta Peine" a connu son heure de gloire, mais ce que l'on retient surtout, c'est la voix en elle-même, une des plus belles parmi les jeunes chanteuses de l'époque avec SHEILA et une autre future star avignonnaise déjà mentionnée plus haut.

Les slows et pasos dobles sensuels en rythmes pop-rock/cuivres ont la part belle, sous la baguette du chef Christian Chevallier, le même que celui de Claude FRANÇOIS (le monde est petit). Un saxo vient souligner la mélodie orientale de "C'est Arrivé Comme Ça" ("Don't Throw Your Love Away" des ORLONS), tout en légèreté de rencontre amou-heureuse. Les difficultés d'une fille de l'âge de Michèle par rapport aux garçons (encore à son époque) sont joliment exprimées sur "C'est Dur d'Avoir Seize Ans" ("It Hurts to Be Sixteen" d'Andrea CARROLL), autre titre qui reste dans les mémoires malgré sa simplicité. Preuve de belle tournure, ce dernier vers "...et inévitablement, un jour on à vingt ans".

Dans le même ton, avec "Je Me Demande", mademoiselle TORR cherche à plaire en se basant sur ses préférences à 'lui', autre titre de Ginny ARNELL ("I Wish I Know What Dress To Wear") mais avec un peu plus de guitare western. Les deux derniers titres, pleins de reconnaissance envers 'lui' et de sorties en amoureux, usent des mêmes choeurs féminins sensuels que les autres titres, sans parler des montées plus que charmantes de Michèle, et de curiosités comme ces petits solos de célesta, de piano honky-tonk. Reste ce "Maintenant C'est Trop Tard" nettement moins angélique et des cuivres ressortant mieux.

Du pur yéyé, avec rien que des adaptations de singles américains en vogue pour un temps plus ou moins long. L'album lui-même sonne purement adolescent, mais propose une belle fraîcheur, n'ayant rien à envier à ses pairs, SHEILA ou Sylvie VARTAN, mis à part un vrai tube. D'un point de vue vocal, encore une fois, c'est déjà solide, solaire ; bref, rien d'étonnant à ce que Michèle TORR, qui n'est pas 'l'autre' avignonnaise pour l'instant (elle a deux ans d'avance) se constitue vite une base de fans. En plus, elle n'est pas encore trop blonde !