C’est au cours de deux sessions d’enregistrements rapides dans les studios Englewood, dans la banlieue de la grosse pomme, que Antonio Carlos JOBIM met la touche finale à son cinquième opus. Pas trop d’inquiétudes à avoir pour le pape de la Bossa Nova, qui connaît un succès considérable dans le monde entier et dont les chansons sont reprises à qui mieux mieux par les plus grands artistes mondiaux, the voice Franck SINATRA parmi les premiers. Cet opus fait cependant suite à l’opus à la girafe, pas simple de s’aligner ; mais voyez donc notre Antonio la clope au bec, en parrain de la maffia sur cette fort belle pochette.

"Tereza My Love" poursuit la quête du smooth avec des instruments à vent, du sax et du trombone comme s’il en pleuvait, de la bossa nova de noble extraction qui ne demande qu’à se laisser déguster avec une caïpirinha sur un bar ensoleillé d’Ipanema. Antonio est au piano électrique sur "Children’s Games", ce qui lui donne pour le moins une identité originale, même si des intonations asiatiques nous éloignent quelque peu de la chaude terre brésilienne. Le maître invente de nouvelles considérations pour sa bossa, quoi de plus naturel !

"Amparo" est d’une douceur angélique, et vous risquez bien de vous endormir de bonheur à son écoute. On n’est pas si éloigné que cela d’une pièce classique. La courte "Choro" laisse à nouveau le piano prendre le pouvoir. La mélodie se veut plus B.O que réellement smooth, avec une flûte discrète. Je suis nettement moins fan de "Andorinha" qui s’écroule sous des monceaux de smooth. On y est terrassé par la chaleur du géant sud-américain et on se prend à rêver de glace ! Là, pour moi, c’est un brin too much.

Nous avons seulement deux titres chantés : un peu d’auto-glorification ? C’est parti avec "Brazil", une composition d’Ary BARROSO qui date de 1939, un pan d’histoire et une des mélodies les plus connues au monde Tom JOBIM lui rend justice, et il n’était que naturel qu’on l’entende déclamer ce "Brazil" avec son accent inimitable. C’est l’instant où la Samba croise la Bossa Nova pour le meilleur, un véritable joyau historique ! La voix de JOBIM s’élève a nouveau sur "Sabia". L’ensemble a une jolie tête de Bossa, mais le chant manque parfois de justesse comme si Antonio n’avait pas réellement trouvé la voix pour chanter cette chanson difficile au demeurant.

"God And The Devil In The Land Of The Sun" est la bande originale du film du même nom. Cette fois, on peut dire adieu à la plupart des éléments propres à la bossa nova, même si on reste en Amérique du sud. L’ambiance est clairement à une B.O qui laisse le champ libre aux expérimentations jazzy. On jouxte le free par moment, c’est tout à fait étonnant de la part du maître à penser de la Bossa Nova. Avec l’éponyme "Stone Flower", Antonio nous fait entrer de plein pied dans un jazz plus rock avec des percussions agressives, une rythmique sourde et des digressions surprenantes et dynamiques. J’y ressens pour ma part l’influence de Lalo SCHIFRIN, le fantasque voisin argentin.

Ce cinquième opus de Tom JOBIM ne s’aligne pas sur son prédécesseur, c’est l’évidence, mais il est aussi le lieu de certaines expérimentations pour le compositeur brésilien, qui semble prendre plaisir à investir d’autres territoires musicaux. Je reste donc sur un trois assez modeste, mais qui révèle l’écart certain entre les opus du maître, et celui ci manque clairement d’un grand classique.