Si vous ne connaissez pas encore Tom JOBIM, que vous soyez amateur de rap, de metal, de folk ou de reggae, vous aimerez. Je suis formel, il est impossible de rester stoïque face à la magie des compositions du grand maître de la Bossa nova brésilienne. Car notre homme est un pur génie des sons. La douceur qui émane de ses chansons n'a d'égale que la chaleur et la beauté du Brésil. Antonio a déjà 38 ans en 65 lorsque paraît son deuxième album. C'est un homme épris d'esthétique et de culture. L'année précédente a vu la sortie de l'album de Stan GETZ et Joan GILBERTO grâce auquel nombre de ses chansons ont connu la célébrité. Nous sommes donc en pleine gloire, déjà !

La présence de « Agua de beber » pourra surprendre ceux qui ont débuté la découverte de l'artiste avec son premier album, dans lequel elle figure déjà, mais sous une toute autre identité. Quelque part, Antonio devait à ce classique une version plus standardisée, celle sous laquelle nous la connaissons aujourd'hui. Une des plus belles chansons de l'histoire, en toute simplicité. Mais vous allez aussi être surpris par le nombre élevée de chansons dans cet album, même si quelques instrumentaux traînent de ci de là. Nelson RIDDLE qui a écrit les paroles en anglais voit arriver au studio à New York un chanteur discret et modeste. La voix qu'il enregistre n'est d'ailleurs qu'un suave filet de charme désuet. Antonio ne sera jamais vraiment à l'aise pour chanter ses titres qu'il préfère voir interprêter par les autres. Le résultat reste exceptionnel.

« Felicidade » est là. Certes il est bien possible que cette version ne soit pas la plus phénoménale existante. Mais lorsque vous avez accès pour la première fois à ce genre de chef d'oeuvre, il ne saurait y avoir qu'une réaction, le recueillement dans le plaisir. Et si vous ne comprenez pas le portugais, et bien laissez moi vous dire qu'on atteint au sublime de l'âme brésilienne grâce au talent sans pareil de Vinicius DE MORAES, le principal collaborateur d'Antonio JOBIM. L'Everest de cet album. Certes je lui préfère des version plus lentes, mais c'est la méga classe. Il n'oublie pas l'évocation de la « Favela », avec un talent consommé. Isso e Brasil!- C'est ça le Brésil - ! Tristeza nao tin fim, felicidade sim » ce qui signifie « La tristesse est sans fin, le bonheur si ». Un commandement à vivre heureux.

Autre classique la « Samba do aviao » tient sa place et décrit à merveille la ville de Rio de Janeiro. Qui n'est jamais allé à Rio ne peut sans doute pas comprendre qu'on puisse écrire de tels textes sur une simple ville. Je lui préfère largement toutefois la merveilleuse « Bonita », qui sera réenregistrée avec le grand Franck SINATRA, mais ceci sera une autre histoire. « Dindi » est de taille à lutter avec les autres grands classiques de JOBIM. Une chanson d'amour tellement sixties qu'elle en sonne presque comme une BO de comédie musicale de ces années. Très réussie en tous cas. Toujours l'amour dans la bossa, avec cette attitude typiquement brésilienne, tellement sexuelle comme dans « So tinha de ser com voce » - J'ai juste besoin d'être avec toi -.

Les instrumentaux sont tous dignes de superbes BO, ainsi l'ambiance de course romantique de « Surfboard » n'est guère connue, mais sera apprécié de tous. Le piano enfiévré, la clarinette et le violoncelle de « Valsa de porto das caixas » sont d'une troublante efficacité. On s'y croit, une merveille d'ambiance.

Alors effectivement, cet album est d'une durée presque ridicule d'une vingtaine de minutes. Mais le moins qu'on puisse dire est qu'il est remplit, et bien remplit ! En parfaite adéquation avec son premier album, Antonio Carlos JOBIM enfonce le clou de son succès interplanétaire. J'étais parti avec l'idée de châtier la longueur de cette livraison, mais je n'y parviens juste pas. Nous sommes trop proches de la perfection pour que je m'y résigne.