Déjà le quatrième album studio (et autant d’E.P) de POMME dont la notoriété a explosé avec la sortie, fin 2019, de son deuxième album Les Failles qui lui valut, le trophée 'album révélation' lors des Victoires de la musique 2020.

Ce nouvel album, Saisons, est en fait la fusion de deux E.P sortis respectivement en décembre 2023 et mars 2024. Le premier évoque l'automne et l'hiver, alors que le second s’attaque au printemps et à l’été, chaque mois étant célébré par une chanson et chaque saison regroupant trois titres. De manière surprenante, dans l’album complet, l’ordre des chansons ne suit pas celui de la parution des E.P. Les mois de mars à août sont présentés comme étant le premier disque. Autre surprise, les titres des chansons reprennent les noms de chaque mois, mais en version anglaise abrégée : "_may le temps des fleurs", "_jun persedeis". Cette manière de présenter les chansons, assez déroutante, pourrait donner l’impression d'être en présence d’un projet personnel pas totalement abouti, voire à des versions de travail. Pourtant, ce n’est pas du tout le sentiment que donne l’écoute des douze titres, tant les arrangements sont travaillés et l’ensemble sonne de manière professionnelle.
Si le style si particulier de POMME est immédiatement reconnaissable, ce nouvel opus s’inspire encore plus fortement que par le passé de musique classique, aussi bien ses arrangements, son orchestration que la structure des morceaux. L’exemple le plus flagrant est "_jul perseides" qui semble tiré de la musique de Pierre et le Loup de Sergueï PROKOFIEV.
Mais on retrouve la voix fluette et aérienne de Claire Pommet, devenue sa signature. Enfin, on ne la retrouve pas toujours car certains (rares) titres sont quasi exclusivement instrumentaux, à l’image de "_aug perseides" dans lequel le chant n’intervient qu’à la fin ou du spectral "_nov magie mauve" dans lequel le texte est très minimaliste et la diction haletante, le chant étant alors utilisé comme un instrument de musique et apparaissant comme un souffle.
Certains titres sont assez sobres, à l’image de "_mar le temps des fleurs", dans lequel POMME est quasi exclusivement accompagnée par une guitare acoustique, alors que d’autres sont bien plus travaillés et arrangés, comme c’est le cas de "_apr le temps des fleurs". Dans ce dernier titre, les pistes vocales se superposent, se répondent, alors que l’orchestration, bien plus riche, est dense. Le résultat ressemble un peu à d’anciennes B.O de film de Disney (Blanche-Neige et les sept nains). Ces variations dans l’approche des morceaux contribuent à maintenir l’intérêt de l’auditeur, malgré la linéarité des ambiances et des tonalités, caractéristique du style de POMME qui représente à mon sens ses plus grands risques et challenge. Il faut avouer que Saisons parvient encore à faire évoluer un peu ce mode d’expression.
Reste la voix qui, bien que majoritairement envoûtante, manque singulièrement de puissance lorsqu’elle tente de pousser dans les aigues ("jun perseides"), à tel point que cela donne le sentiment qu’elle peine à maîtriser son chant.
Il n’en reste pas moins que l’album comporte de très belle pièces, pleines de charmes. A titre personnel, je trouve le couple "_dec Carte de Noel" / "_jan Carte de Noel" assez enchanteur. On y retrouve la POMME des débuts, avec cette sobriété instrumentale et ce chant si caractéristiques, tout à la fois léger et angélique.
Pour cet album, POMME s’est, entre autre, fait accompagner par Flavien Berger qui avait déjà travaillé sur Les Failles et surtout sur Consolation, et par Aaron Dessner (The NATIONAL). Et leur apport en termes de richesse des arrangements.

Au final, Saisons se révèle une œuvre paradoxalement originale, tout en peinant à se démarquer des autres albums de l’artiste. C’est en effet un très beau voyages, tout en émotion et en douceur, mais qui manque un peu de relief et de mélodies bien marquées, bien indentifiables. POMME s’attache ici, essentiellement, à nous proposer des variations d’ambiances, des volutes de mélodies qui évoluent et se développent lentement, comme si elle privilégiait principalement la recherche de la beauté et d’une certaine spiritualité et délaissait les schémas classiques de la musique Rock qui mettent plus en avant l’efficacité.
Cela fait de Saisons un objet assez singulier, propre à charmer un public en recherche d’ambiance, autant qu'à laisser froids des auditeurs plus en attente de schémas de chansons plus habituels.