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- Membre : Bruce Springsteen

Patti SCIALFA - Rumble Doll (1993)
Par MARCO STIVELL le 1er Août 2024          Consultée 571 fois

Vivienne Patricia Scialfa ou simplement Patti SCIALFA naît en 1953 à Deal, sur la côte centre de l'état du New Jersey, d'une famille italienne par le père et nord-irlandaise par la mère. Par les lieux comme les origines, elle semblait déjà destinée à rencontrer son semblable Bruce SPRINGSTEEN, qui n'a qu'une part de sang hollandais en plus et vient de vraiment pas loin, à savoir les communes de Long Branch et Freehold. L'enfance de Patti se fait sous le signe de la réussite, son père ayant commencé comme vendeur de télévisions dans un magasin en vue pour devenir un riche agent immobilier. Cuillère d'argent ou non, c'est la musique qui intéresse notre demoiselle et, dès la fin du lycée, elle s'écarte des ambitions familiales pour suivre les siennes. Elle rentre à la Frost School of Music, liée au département jazz du conservatoire de Miami, en Floride, qui se déplace ensuite dans l'université de NewYork, et dont elle ressort diplômée. Pour gagner sa vie ensuite, elle est serveuse dans le quartier de Greenwich Village, où elle rencontre le futur grand batteur Steve Jordan, ami proche (il la fera intervenir auprès des ROLLING STONES et de Keith Richards solo sur leurs albums milieu 80's), ainsi que deux jeunes femmes chanteuses, Lisa Lowell et Soozie Tyrell (également violoniste). Le trio vocal forme un groupe, TRICKSTER, qui joue dans la rue.

Parallèlement à cela, en 1970-71, Patti Scialfa répond par téléphone à l'annonce du BRUCE SPRINGSTEEN BAND mais n'est pas sélectionnée. Être femme et jolie dans un monde de mecs n'est pas facile, c'est encore ce que se dit le Boss qui la rencontre plus tard alors qu'il est devenu une star, au moment de Darkness on the Edge of Town (1978). Elle se bat ainsi pendant quinze ans et de bar en bar, de session en session et de groupe en groupe, elle finit par réussir à son tour ! Car enfin, le destin la rapproche de Bruce et son mythique E STREET BAND, en 1984 lorsqu'elle prend part au gigantesque Born in the U.S.A. Tour, arrivant en même temps que le guitariste Nils LOFGREN. C'est l'époque où elle a une liaison très courte avec l'acteur Tom Cruise, tandis que le Boss, lui, débute son premier mariage avec la mannequin Julianne Phillips. Celui-ci s'achève en 1988, l'époque de Tunnel of Love (1987) et de la tournée où l'on voit de nouveau Patti au sein du groupe, mais aussi de plus en plus proche de Bruce SPRINGSTEEN, les tabloïdes faisant leurs choux gras. Le groupe se sépare ensuite, mais la belle dame reste et le Boss semble avoir trouvé la perle rare. Ils se marient en 1991, entre deux naissances d'enfants (Evan Smith et Jessica Rae, devenue vice-championne olympique d'équitation en 2021, preuve que la réussite est toujours présente). Sur scène, Bruce a sans doute repris "Jersey Girl" de Tom WAITS en pensant à elle, et il lui dédie une chanson enflammée, "Red Headed Woman", car pour lui les rousses ne sont pas comme les autres, et elle est pour lui la rousse des rousses.

Patti SCIALFA-SPRINGSTEEN est comme ce rai de lumière qui subsiste dans les difficultés. Les avis qui concernent sa participation sont symptomatiques des clichés du rock, entre reconnaissance naturelle et machisme ambiant ('bien gaulée, mais la voix, bof, et puis elle n'est pas très utile', eurk !). Il est vrai que contrairement aux gars du E STREET BAND, la dame qui est pourtant la seule diplômée de musique tout comme le 'Professeur' Roy Bittan, n'est pas virtuose ni un apport musical déterminant (moins que sa vieille amie Soozie Tyrell qui a intégré le groupe), mais c'est une présence forte et nécessaire pour le Boss, un complément vocal désiré sur plusieurs titres, de "Cover Me" à "Mansion on the Hill". Et puis, vous en connaissez beaucoup des groupes aussi durables d'un artiste à ce niveau de popularité qui intègrent à la fois l'épouse (-maman) et la bande de vieux copains, sans heurts ni dérives pour gratte-papiers ? Une fois de plus, SPRINGSTEEN est exemplaire là-dessus. Dans la vie personnelle, c'est différent et il l'avoue lui-même dans son autobiographie Born to Run (2016), entre sa dépression régulière et autres, Patti n'a pas eu la partie facile. En tant que femme et musicienne, son parcours n'en est que d'autant plus admirable !

Elle attend que son mariage avec le plus grand rockeur de tous les temps se stabilise, y compris sur le plan géographique (déménagement à Los Angeles en 88 puis retour à New York) et sa vie de maman devienne une routine, dix-huit mois après la naissance de Jessica Rae, pour publier un premier album à son nom, vers son quarantième anniversaire. Rumble Doll (1993) est à la fois éloigné et pas tant que ça de la paire Human Touch-Lucky Town (1992) offerte par un SPRINGSTEEN au retour de popularité notable : l'époque où justement, après avoir parlé des ados rêvant de la route pour s'enfuir puis des longs road-trips à deux, il vient au moment où le couple descend de la voiture pour fonder un foyer semble lui avoir moins réussi. Cela semblerait presque plus une bénédiction pour Patti qui ne vendra tout de même pas des camions de Rumble Doll mais se fait bien remarquer. Bruce produit une partie de l'album mais la plupart revient à Mike Campbell, guitariste d'un certain Tom PETTY au sein des HEARTBREAKERS.

D'ailleurs, sur cet album, il y a aussi Benmont Tench du même groupe pour quelques claviers tandis que Bruce lui-même s'en charge ailleurs (ainsi que des guitares avec Campbell) et bien sûr Roy Bittan, seul membre du E STREET BAND qu'il a gardé dans ces années-là. Mais Patti, que l'on sait claviériste et qui l'est plus que quiconque ici, convie également le bon Nils LOFGREN aux guitares. Les vieilles copines d'adolescence, Soozie Tyrell et Lisa Lowell sont de la partie, on les entendait d'ailleurs elles aussi sur le Lucky Town du Boss, et Patti réaffirme ainsi son trio de choristes pour de bon. De même, elle emploie tous les batteurs qui jouent alors pour Bruce en studio (Jeff Porcaro le pilier de TOTO, peu avant son décès, mais aussi Gary Mallaber) et en live (Zachary Alford). Les musiciens de session réputés Tim Pierce, Russ Kunkel, Jim Keltner, Bobbye Hall et Kenny Aronoff complètent cette belle palette.

La voix contralto de Patti SCIALFA, belle mais avec ses petites appoggiatures régulières (notes frôlées avant les 'bonnes', comme pour une cornemuse) n'est pas du goût de tout le monde ; en tout cas, elle impose un style en soi, plutôt plaintif et élégant. Rien d'étonnant donc à ce que Rumble Doll la situe dans une pop-folk à la fois aérienne et marquée par les guitares, les grands espaces américains. Peu de rythmiques fortes malgré un son classieux, très travaillé en dépit des allées et venues musicales, plutôt des ballades et un ou deux moments plus enlevés ("In My Imagination" et son ton Bo DIDDLEY transporté dans des années 90 plus girly, "Lucky Girl" au rock tenant à peine moins de SPRINGSTEEN que de Tom PETTY). Ce disque parle autant aux amatrices de musique simple qu'à ceux qui voudraient découvrir le talent de la femme du Patron, car elle en a.

Son écriture révélée par "Rumble Doll", le morceau-titre, est fascinante de simplicité folk, de répétition entêtante avec une production subtile qui amène tout progressivement et de douceur féminine pour chanter des mots de caractère (Italienne et Irlandaise, pour rappel), de grande force. Elle chantera un bout de ce morceau d'ailleurs, privilège rare, pendant la présentation des musiciens du E STREET BAND sur la tournée de reformation en 1999-2000. Autres titres splendides : "Valerie" au feeling latin sur lequel Roy Bittan et Nils LOFGREN font des merveilles, de même que Patti et ses chœurs propres à elle-même, "Spanish Dancer" dans la même veine ou encore "Come Tomorrow" avec sa country planante, sensuelle, ses guitares 12 cordes et ses percussions multiples. Bruce the Boss tient les claviers sur "Big Black Heaven" avec classe, enveloppant la voix de son épouse comme un doux câlin où elle reste maîtresse. Génial encore, ce "Charm Light" bien caché à la pop brumeuse et charmante en même temps.
Un disque peut-être un peu long vu le peu de variations, mais justement remarquable d'efficacité comme d'unité, dans la qualité des chansons, le jeu d'instruments très 'en doublures', et tout simplement à l'image d'une femme qui reste l'un des beaux trésors du rock.

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   MARCO STIVELL

 
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- Patti Scialfa (chant, choeurs, claviers, programmation batt)
- Mike Campbell (guitares, basse, programmation batterie)
- Roy Bittan, Benmont Tench (claviers)
- Nils Lofgren, Tim Pierce (guitares)
- Bruce Springsteen (guitares, claviers)
- Gary Mallaber, Jim Keltner (batterie, percussions)
- Jeff Porcaro, Zachary Alford (batterie, percussions)
- Kenny Aronoff (batterie, percussions)
- Russ Kunkel (batterie)
- Bobbye Hall, Bob Jaczko (percussions)
- Cliff Carter (basse-clavier)
- Lisa Lowell (choeurs)
- Soozie Tyrell (choeurs, violon)


1. Rumble Doll
2. Come Tomorrow
3. In My Imagination
4. Valerie
5. As Long As I (can Be With You)
6. Big Black Heaven
7. Loves Glory
8. Lucky Girl
9. Charm Light
10. Baby Don't
11. Talk To Me Like The Rain
12. Spanish Dancer



             



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