La date du 7 mai 2024 restera un moment noir dans l’histoire du rock : Steve Albini est parti. Crise cardiaque, à l’âge de 61 ans, dans son studio d’enregistrement à Chicago . Mort sur scène, quasiment ….
L’activiste aura touché à tout : producteur, chanteur, guitariste, critique musical… Un cador du rock underground américain, intransigeant, sincère, intègre (pas intégriste comme certains le qualifiaient, peut être même moi d’ailleurs …), inventif… La pluie des adjectifs pourrait continuer .

On rappelle l’œuvre musicale du bonhomme. L’inventeur du son noise rock, c’était lui avec bien sur le combo infernal dénommé BIG BLACK qui dès le début des années 80 , inaugura des sonorités dissonantes non connues auparavant, rattaché à l’époque au punk hardcore mais s’en distinguant par une approche déviante parallèlement à un discours conspuant les firmes discographiques. Puis le trouble RAPEMAN avec d’anciens SCRATCH ACID, créant le courant post-hardcore. Et enfin, SHELLAC perpétuant ce style avec un coté plus mathématique on dira …

Et bien sur le producteur. Dans le désordre, NIRVANA, NEUROSIS, STOOGES, PIXIES, PJ HARVEY, JESUS LIZARD, TAD, MARK OF CAIN, JON SPENCER, HELMET, TORTOISE, DON CABALLERO, ZENI GEVA, BOSS HOG, OSBOW, THE EX, plus trois milliards d’autres groupes, soit le top du top du rock indie radical des années 80-90, lui doivent énormément.
Et ce dernier SHELLAC sort le 17 mai, soit dix jours après le décès de son créateur. Disque sorti sur Touch and go, dont on rappelle l’énorme travail que ce label aura réalisé en matière de rock alternatif décalé depuis le début des années 80.

La recette de SHELLAC ? Toujours ce son noise radical mais non dénué de mélodies avec une production au top et des compositions frontales mais touchant aussi le coté cérébral de l’auditeur. Le premier titre "WSOD" peut être le meilleur morceau, commence par une guitare semblant chercher une litanie, puis une rythmique dominée par une basse au jeu élégant et un jeu de batterie puissant apparaissent avant que le morceau s’énerve avec l’entrée en matière des vocalises du Steve et surtout une fin fracassante quasi hardcore old school.

SHELLAC façonne ses chansons caustiques d’une atmosphère bluesy, évidemment non académique, qui se veut être urbaine et violente, que l’on avait déjà repéré sur l’album précédent. Ainsi sur "Girl From Outside", sorte de "Blues Noisy", sur "Tatoos" avec ce formidable duo basse/batterie. Et surtout, "Wednesday", morceau axé sur le jeu de batterie tribale, marqué par des vocaux graves. Ou le lent (et ironiquement annonciateur !) "I Don’t Fear Hell" , remémorant un peu les grandes heures du BIG BLACK dépressif.

En dehors de cet aspect blues, "Chick new wave"" est plus speed, avec la batterie redoutable de Todd Trainer, la guitare qui lamine gravement. Loin justement de la new wave inoffensive. "Scappers" sonne presque comme du GUN CLUB noise. "Days Are Dogs" se trouve être un titre chaloupé, répétitif et trippant. L’hypnotique "Scabby The Rat", dont la rythmique est pompée sur le "Lucifer sam" de PINK FLOYD, est poinçonné par un refrain totalement punk.

"How I Wrote How I Wrote A Elastic Man (Cok and Bull)", plus post punk dans sa construction, détourne d’ailleurs un vieux titre dingue de THE FALL. Steve, malgré son style bien identifiable et peu référencé, a toujours été un fondu de ce courant, avec aussi KRATWERK, CHEAP TRICK et METAL URBAIN. Donc pas une reprise, mais un hommage au groupe du sieur Smith , déjà bien novateur pour son époque…

L’album posthume classe. Au revoir Mr Albini…