La bonne santé, c’est ce qui saute à la gueule lorsqu’on écoute ou qu’on regarde Eddy GRANT. Ce mec a l’air de tout le temps faire du sport et d’avoir des idées saines et novatrices, ce qui n’est pas une mince affaire lorsqu’on débarque du Guyana. Son deuxième opus Message Man ayant fait un flambard, l’artiste monte son studio de production londonien et se met a jouer les promoteurs. Bien sûr, en bon artiste engagé, il choisit les Caraïbes et l’Afrique comme destinations de son bébé rouge et jaune. Et comme de bien entendu ce n’est pas une sinécure, le Nigéria refuse ses disques et Eddy se retrouve a écouler les L.P dans les disquaires et clubs du Big London, ce qui va lui valoir une certaine renommée. Et Eddy joue tout lui-même sur ce troisième album mais oui messieurs dames !

Les DJ londoniens choisissent de jeter leur dévolu sur "Living On The Frontline", avec ses synthés criards et son ambiance reggae roots. On dodeline de la tête comme il se doit… quoi ? Vous avez jamais vu un metalleux dodeliner sur du reggae ? Bande de nazes ! C’est le royaume des cônes taille XXL, on est à l’aube de la légalisation, c’est Peter TOSH qui doit être content ! Le titre se taille une jolie petite réputation et monte dans les tops grands bretons, avec en prime un solo du sieur GRANT qui l’annonce sans détour : 'il ne prendra pas de cocaïne' et le texte est putain d’engagé ! Les synthés de l’instrumental "The Frontline Symphony", comme on pouvait s’y attendre, prennent le pouvoir. Bien sûr, tout ceci est un brin pompier, mais il faut se remettre dans l’ambiance de l’époque : le swinging London est devenu le théâtre de la montée en puissance de la new wave et de ses succédanés. Eddy GRANT participe ici à sa manière à l’éclosion des mouvements synth que O.M.D et VISAGE vont lancer.

Toute la bonne humeur prônée par l’artiste trouve dans le titre "Just my Imagination" une certaine réalité. Les rythmes caribéens fusent de partout, et même si le synthé peut paraître un peu froid ou pompier, il faut rappeler que nous sommes en 78 et que Eddy joue une musique qui se veut roots, mais il passe son temps à expérimenter, la synth pop n’étant alors même pas à l’ordre du jour dans les clubs de Londres. "Dancing In Guyana" est une ode à son pays natal, qu’il ne cessera jamais de glorifier au cours de sa longue discographie. L’éponyme "Walking On Sunshine" nous plonge dans une transe ilienne peu recommandable où tout semble permis, c’est profusion de cuivres et de basse arrosée de Ganja. Beaucoup de ganja. On se croirait sur une plage ensoleillée à danser au milieu des cocotiers, c’est donc efficace et sympa pour faire la teuf !

On continue dans la bonne humeur avec "My Love, My Love" où tout est taillé pour la fête heureuse, la plage et la bienveillance ! Le refrain se laisse bien aimer, et toute la joie de l’artiste se laisse deviner sur son chant gai et pas ramenard pour deux sous. Nous sommes en pleine calypso et Eddy se pose là en héritier de Harry BELAFONTE. Avec un brin de modernité en plus ! "We Are"… Et bien "nous sommes" bien dans une vibration reggae que BLACK ULURU n’aurait pas reniée avec des percussions venues d’au-delà de l’Atlantique, vous devinez la revendication ? Et notre Eddy ne craint pas de balancer un joli et long solo distorsionné, mais oui ! On s’approche de la formule magique de son fameux ringband avec "Say I Love You", ses vibes rocksteady et iliennes, sa gratte plus véloce que reggae, et Eddy qui en impose avec son ton cool.

Ce troisième album impose Eddy GRANT comme artiste solo et plus seulement comme le leader des EQUALS. Sa capacité assez unique à créer un blend musical à base de ses racines afro, sud américaine et caribéenne tout en ajoutant une pincée de funk et de new wave est carrément unique dans le paysage musical de cette fin des seventies. Je suis sur un 3,5 mais le manque d’un titre majeur me force à une certaine sévérité ! C’est cependant un joli trois très recommandable pour tous ceux qui aiment les musiques ensoleillées et gaies !