Des trois anciens membres de GREAT BIG SEA, Alan DOYLE est celui qui est resté le plus actif publiquement, continuant de tracer la voie folk-rock initiée par le groupe de Terre-Neuve il y a plus de 30 ans. Contre vents et marées, le musicien canadien a tenu la barre, proposé quelques projets solitaires, quelques collaborations remarquées (notamment un album avec l'acteur Russel Crowe) et s'est également dirigé vers la musique de film. Autant d'activités qui ont ralenti une carrière solo dont on attendait un nouveau rebondissement depuis l'album A Week at the Warehouse publié en 2017, une absence sur disque que l'EP collaboratif Songs From Home, enregistré durant le confinement et publié à la fin de l'année 2020, n'avait pas réussi à combler.

Enregistré à Montréal, ce quatrième album d'Alan DOYLE constitue des retrouvailles délicates et mélancoliques entre l'artiste et son public. Un peu comme une lettre reçue d'un ami cher que l'on avait perdu de vue. Si le chanteur invoque toujours l'esprit de groupes tels que SPIRIT OF THE WEST, OYSTERBAND ou The SAW DOCTORS, son folk porte ici résolument du côté tendre, et propose ce que l'artiste appelle des "lower et slower songs", des chansons plus lentes qu'à l'accoutumée et qui font appel aux tonalités graves de son spectre vocal. Ainsi, le morceau-titre "Welcome Home" ainsi que "Dancing Like We Did Last Night", dynamique et enjoué, prend des allures de curiosité sur cet ensemble résolument orienté du côté des ballades.

L'artiste parvient néanmoins à faire des merveilles dans ce contexte, posant sa voix chaude sur des morceaux construits le plus souvent autour d'un mariage entre piano et guitare acoustique, agrémentés de lignes de violon celtisantes qui apportent à l'ensemble une pureté mélodique savoureuse. L'album est court, et on savoure ainsi chacun de ces morceaux à la portée universelle. Car à travers ses chansons, qui évoquent sa jeunesse, les lieux qui l'ont construit, ses joies et ses peines, Alan DOYLE nous parle à tous. Malgré des ambiances similaires, chaque morceau porte une identité suffisamment forte pour le distinguer de ses compagnons de voyage. On savoure ainsi l'évidente beauté de "You'll Still Be With Me", une chanson d'amour dans la plus pure tradition GREAT BIG SEA, bénéficiant de cette touche pop qui évite l'écueil de la niaiserie. De GREAT BIG SEA, Alan DOYLE reprend d'ailleurs "How Did We Get From Saying I Love You", chanson de jeunesse qui bénéficie d'une relecture pertinente articulée autour ce mariage naturel entre le piano et le violon.

Si l'accordéon de "Best I Never Had" peine à rendre le morceau mémorable, il faut reconnaître que l'artiste parvient à en faire beaucoup avec peu, achevant l'album sur "All For A Song", chanson qui narre avec justesse et nostalgie l'épopée musicale de GREAT BIG SEA. Il manque, il est vrai, un peu de challenge, et Alan DOYLE déroule ses chansons avec un savoir-faire et une maîtrise impeccable. De plusieurs écoutes polies, on retient une poignée bien remplie de morceaux de grande qualité, qui alimenteront le répertoire live d'un artiste qui, sans se renouveler ici, continue de proposer un folk celtique chaleureux et enivrant. Un bien bel album.

3,5/5