Alors que Great Big Sea va fêter en grandes pompes ses 20 années de carrière en 2013, ses membres ne cessent de se disperser depuis la deuxième moitié des années 2000. Comme si la musique folk-rock celtique du groupe de Terre-Neuve ne suffisait plus à assouvir les aspirations des têtes pensantes du groupe, à l'image de Sean McCann, obnubilé par un formidable projet folk bien plus intimiste que la musique habituelle du groupe canadien. Pas de raison, donc, qu'Alan DOYLE se prive d'un petit plaisir en solitaire. Après avoir publié en 2011 un album enregistré en compagnie de son ami Russell Crowe, acteur et chanteur de son état, le Canadien chevelu sort ici son premier véritable album solo, qui sonne comme du... Great Big Sea. On aurait du s'en douter.

Fourre-tout fort sympathique, Boy On Bridge se démarque tout de même de la musique du groupe d'Alan DOYLE par plusieurs aspects. L'absence de morceaux traditionnels tout d'abord, qui apporte un aspect moderne à cet album. Et puis, ce sentiment général que le chanteur à poussé plus loin ses aspirations et ses envies, n'hésitant pas à insister sur ses influences rock et country pour pondre un opus au final bien plus « roots » que n'importe quel album de Great Big Sea. Si les thématiques abordées (la mer, le départ, l'attachement à sa terre...) sont les mêmes, tout comme les ambiances générales, le chanteur n'a pas hésité à chambouler ses habitudes pour se faire plus mordant : en témoigne « I've seen a little », rock enragé à la guitare électrique vindicative, ou encore « Testify », morceau co-écrit avec Russell Crowe qui bénéficie d'une rythmique country entraînante et de la présence d'une guitare slide savamment dosée.

Outre la voix chaude et puissante d'Alan DOYLE, les amateurs de Great Big Sea trouveront néanmoins aisément leur compte dans les pièces folk qui restent prédominantes sur cet album. Pour certaines d'entre elles, la présence d'un violon délicat apporte une touche celtique délectable. Le chanteur s'entête, s'évertue à nous convaincre que son folk est authentique, et sa conviction paye, puisque l'on se prend au jeu bien vite, à ressasser le refrain de l'enjoué « Perfect excuse » ou la mélodie délicate de « Where I belong », morceau chanté intégralement a cappella par l'artiste qui parvient à enrichir sa voix chaude d'une sincérité et d'une sensibilité bouleversantes.

Avec un recul suffisant, l'ensemble sent néanmoins un peu le réchauffé, et si l'on apprécie l'audace du chanteur, on ne peut que regretter la présence de titres très (trop) similaires au répertoire habituel de Great Big Sea. Pas de quoi blaser l'auditeur, mais des ressemblances suffisantes pour empêcher d'apprécier pleinement et avec une oreille neuve ce Boy On Bridge non dénué d'intérêt, mais trop peu inventif pour séduire sans réserve.

« I've Seen a Little » en live : http://www.youtube.com/watch?v=qp47f4HBm1o&feature=related