Pour MINOR THREAT, le début d’année 1983 n’est pas si négatif. Out of Step, succès critique et commercial, voyait un collectif élargir encore une vision musicale plus seulement réduite au hardcore. En outre, sa structure Dischord s’était vue offrir par John Loder, gérant de Southern Studios, de presser et distribuer leurs disques en Europe, action qu’il accomplira pendant de longues années dès 1984.

La tournée défendant Out of Step avait été massive mais fatigante avec ses 33 concerts en 49 jours. Même s’ils conservaient une franche camaraderie, ces spectacles voyaient l’aspect bon enfant des débuts peu à peu disparaître au profit de confrontations croissantes comme à Dallas où un ado arracha la chemise de MacKAYE. Les visages connus avaient été remplacés par des opportunistes voyant dans le pogo une simple lutte de sumos.

La séparation de The FAITH, groupe du petit frère Alec MacKAYE, paraît avoir agi tel un catalyseur à la fragilisation de MINOR THREAT, devenu quartet après le départ de Steve HANSGEN. Preslar et Baker commencent à se lasser du bordel sur scène, quand l’amitié entre MacKAYE et Nelson ne semble être à présent qu’un souvenir lointain – le chanteur interprétant "Betray" à Calgary en regardant son camarade droit dans les yeux, instant sans doute gênant pour les spectateurs au premier rang. L’ambiance devient intenable et les répétitions impossibles, deux camps s’opposant à propos de la suite des évènements : composer de nouvelles chansons plus accessibles vs. rester fidèle à son style, signer avec un grand label vs. conserver son indépendance voire intégrité.

La fin est entérinée via l’ultime single Salad Days enregistré le 14 décembre 1983 mais qui ne sort qu’en 1985. Poignante, la chanson exprime le désabusement d’un groupe revenant difficilement à la réalité : Regardez-nous aujourd’hui/On est devenus mous et gras/Dans l’attente du moment/Il ne reviendra pas. L’échec est accepté et le regard sur la situation lucide. À cet égard, cela ressemble beaucoup au réveil douloureux du héros de Zen Arcade dont HÜSKER DÜ publiera les pérégrinations sous peu. Malgré tout, la pièce, plus réfléchie, ainsi que "Stumped" et sa basse imposante annoncent les dizaines de merveilles post-hardcore que publiera bientôt Dischord. La face B "Good Guys Don’t Wear White" reprend les STANDELLS en mode cow punk et jette un ultime regard plein d’ironie concernant leurs origines et l’image de voyous que la scène pouvait colporter, souvent à tort.

L’ouragan qui donna vie seulement quelques années auparavant à MINOR THREAT semble maintenant lointain, tant et si bien qu’on se demande s’il exista vraiment à l’instar de MacKAYE explicitant le sentiment d’une explosion dont il ne sent plus à présent ni déflagration ni chaleur. Mais le jeune homme n’a cependant pas encore dit son dernier mot.