Le maxi In My Eyes avait confirmé le potentiel musical indéniable de MINOR THREAT en le voyant s’éloigner quelque peu du hardcore jusqu’au-boutiste de ses débuts afin de proposer un contenu mélodique plus varié et moins supersonique. Il avait également assis son éthique Straight Edge dont le manifeste avait été inauguré sur le titre éponyme de leur première sortie.

Le hurleur Ian MacKAYE se sentait, à l’instar d’une chanson à la fois passée et à venir, en décalage avec le reste du monde. Certains de leurs confrères n’hésitaient pas à faire des farces à leurs dépens tels HÜSKER DÜ ou Jello BIAFRA, le leader des DEAD KENNEDYS invitant chez lui un gars ivre mort ou des fumeurs de shit en plus de répandre des seringues dans son salon. Les critiques n’étaient pas en reste, une plume les affublant du surnom STOOGES avec un moine bouddhiste à leur tête. Mais ce n’était pas une pose, le jeune homme avait un engagement sincère et voulait éviter de reproduire les erreurs des hippies. Via une interview accordée à Maximumrocknroll, il déplorait ainsi que la télévision soit déconnectée de la réalité des coups d’un soir montrant des personnages n’ayant jamais les problèmes qu’on rencontre dans la vraie vie : grossesse, MST... Cependant, cette éthique, dont d’autres groupes tels que SS DECONTROL ou 7SECONDS s’emparèrent afin de la diffuser comme une doctrine, commençait à créer des tensions au sein même de MINOR THREAT.

Durant l’été 1981, Lyle PRESLAR décida d’aller à la fac ; MT donna donc un ultime concert à Noël. Malgré tout, le guitariste regretta rapidement sa décision. Parallèlement, In My Eyes reçut des commentaires élogieux de fanzines quand BLACK FLAG et DEAD KENNEDYS louaient MT. C’est ainsi que MacKAYE, convaincu par le chanteur des BAD BRAINS H.R., relança l’aventure. Le premier spectacle de reformation eut lieu en avril 1982. Un retour qui ne fut pas du goût de tout le monde, certains de leurs amis et fans les traitant de mercenaires. "Crashing In", réflexion sur le rapport au succès et à l’argent, fut écrite en réponse, toutefois une seule fois jouée en live.

S’inspirant des évolutions stylistiques touchant les DAMNED, MINOR THREAT désire modifier son son pour sa prochaine sortie. C’est ainsi que fin 1982, Steve HANSGEN est engagé à la basse alors que BAKER passe à la guitare, inaugurant une formation à deux guitaristes frôlant le metal selon MacKAYE. Out of Step est enregistré en janvier 1983 à Inner Ear et poursuit sa lutte quasi-seul contre tous, reprenant cette thématique d’une précédente chanson – présente à nouveau sur ce disque, auto-reprise ?… – afin d’intituler le recueil et y adjoignant un visuel éloquent où un mouton noir s’échappe d’un troupeau uniforme – et conformiste ?

Le disque est d’une très grande aigreur, visant en premier lieu la scène hardcore directement, coupable selon son auteur d’agissements identiques à ceux ayant frappé auparavant d’autres mouvements, typiquement le punk rock. "It Follows" détaille précisément ces éléments auxquels MacKAYE avait cru pouvoir échapper : médisance, intimidation, désillusion. Aussi peu riche en couleurs que sa jaquette, l’album explicite une claustrophobie glissante et inévitable en vase clos (on n’avait plus d’espace de liberté affirmera NELSON) ainsi qu’une perte de confiance palpable, MacKAYE ne parvenant pas à expliciter ce sentiment qui l’étrangle dans "Little Friend". Soumises à des épreuves rudes et inhabituelles, les amitiés se désagrègent provoquant des effets secondaires délétères : l’évident "Betray", rouleau compresseur immédiat à la construction plus complexe avec même une espèce de solo au milieu, mais surtout l’immense "No Reason" sentent la bile soufrée : Assis dans la même pièce/On regarde ailleurs/Aux chiottes les conversations/On n’a plus rien à se dire. L’incommunicabilité atteint son paroxysme sur un final où MacKAYE hurle un S’est-on déjà rencontré ? quasi définitif.

Out of Step se vend bien, 3500 exemplaires en une semaine, les critiques sont toujours positives cependant l’ambiance électrique de fin de règne est palpable.