Le 25 février 2014, l’astronaute du hip-hop alternatif américain, Kid CUDI, a lancé sa cinquième réalisation dans l’espace. Satellite Flight : The Journey To Mother Moon nous convie à un voyage spatial, le plus court de sa discographie, qui nous transporte une fois de plus au-delà des confins de l’atmosphère terrestre. Pas d’acte ou de chapitre sur cet opus, mais pour respecter le format scientifique, l’événement vous est raconté selon les phases distinctes habituelles.

Phase 1 : la préparation au lancement débute par le morceau instrumental "Destination : Mother Moon", à la fois mystérieux et enivrant, pour nous préparer au décollage. Les nappes de synthés cosmiques se superposent avec une lenteur presque hypnotisante et dont les notes sonnent comme le compte à rebours de cette mission spatiale. Préparez-vous au décollage !

Phase 2 : toute la communauté des agences spatiales internationales est réunie dans l'anticipation bien palpable de "Going To The Ceremony", une piste aux guitares électriques rock et aux percussions brutes, qui donnent la propulsion initiale qui sera, on l’espère, capable de nous transporter vers une autre dimension. La lente ascension vers la Lune est en marche, mais notre astronaute doit toujours se battre contre ses addictions, même s’il est bien emmitouflé dans sa combinaison (Free as a bird, flying over mountains/And I don’t know where I’m going/But I’m going).

Phase 3 : les moteurs fonctionnent à pleine puissance et le titre éponyme "Satellite Flight" nous met nous aussi dans une montée atmosphérique ambiant dont on ne peut pas échapper. Sur une basse vrombissante et les cordes poignantes du LARRY GOLD ORCHESTRA, la voix de CUDI oscille comme à son habitude entre rap apaisant et chant mélodique, un choix judicieux pour incarner le thème central de son oeuvre : cette solitude qu’il projette encore et encore dans la grandeur de l’espace (Heavy little thoughts get jumbled in a bundle/And they’re tucked deep down in the back of my brain/All is life and all is pain/Down the hallway of my endless fate).

Phase 4 : après la traversée de l’espace, le morceau instrumental "Copernicus Landing", très électronique, capture l’essence de l’apesanteur. Les étoiles sont à portée de main. C’est spacey, mystique, imprévisible et exaltant, à l’image de Kid CUDI lui-même. Sur la Lune, les préoccupations de CUDI sont les mêmes que sur Terre alors ses envies charnelles s’invitent sur la ballade sensuelle "Balmain Jeans". Armé de sa gratte qui fait aussi partie du voyage, notre astronaute explore le désir à travers un prisme onirique aux accents de R&B futuriste très réussi. Le chant de CUDI y est presque spectral, créant une ambiance de proximité mais aussi un sentiment d’isolement ; un moment phare du voyage.

Phase 5 : "Too Bad I Have To Destroy You" fait écho aux interrogations, qu’elles soient spatiales ou personnelles, de cette exploration. Ce morceau se construit autour de boucles hypnotiques samplées chez DAFT PUNK et une progression qui semble se dilater dans l’espace temps. C’est un tournant introspectif, un instant où la conscience devient une arme contre l’extérieur, mais aussi contre soi. Résolument déterminé, KID CUDI nous livre une nouvelle fois un trip psychédélique signature, qui nous rappelle que tout voyage exige qu’on s’éloigne de nos repères (Rejuvenated, recreated, rebooted, in a new program).

Phase 6 : quand un astronaute fait disjoncter le satellite, autant dire que la mission s’apprête à partir en cacahouètes. "Internal Bleeding" traduit encore cette solitude, cette tristesse si grande, aussi grande que l’Univers. Heureusement, l’entraînement de CUDI est plus que bon, alors il reste optimiste en tout temps (Salt of the Earth, bird of the Heavens, you hear them/All in the hell, the hollowest halls, don’t fear them/Here I am, the warrior man). Il s’endort et appuie sur le bouton qui le ramènera sur Terre, tout en douceur, avec l’instrumental éthéré de "In My Dreams 2015".

Phase 7 : même en pleine descente, KID CUDI parvient à nous transmettre une palette d’émotions sur le morceau ultra-cinématographique "Return Of The Moon Man (Original Score)", un moment tout simplement épique d'où se dégage une intensité dingue due à une rythmique cadencée qui fait presque l’effet d’une libération.

Phase 8 : la mission se termine sur "Troubled Boy", un atterrissage tout en douceur où la guitare délicate jouée par CUDI nous fait retrouver la gravité terrestre. Presque murmurée, cette chanson sombre symbolise un retour à la réalité difficile avec une sensation de mission inachevée (And I’ve learned/No one wants a troubled boy/Show them you’re a stronger boy).

Initialement prévu comme un E.P, Satellite Flight : The Journey to Mother Moon n’est pas desservi par sa durée, plutôt courte pour KID CUDI. L’essentiel y est : du hip-hop atmosphérique planant, une musique qui agit comme une capsule spatio-temporelle nous poussant à rêver d’horizons vastes et de liberté. L’album n’est pas conçu pour les charts, mais comme une passerelle entre les volets de la saga musicale de KID CUDI, une invitation à flotter. Cet écosystème sonore unique que CUDI a su créer au fil des ans nous montre qu’il est possible de transcender les limites du genre, comme si chaque pas dans l’inconnu repoussait les limites de nos possibilités.