Né en 1965 à Bochum, Thomas KÖNER débute l'apprentissage de la musique très tôt, joue du violon dans un orchestre local dès l'âge de huit ans, avant de rejoindre le conservatoire où il étudie la composition et le piano. Par la suite, il se destine un temps au métier d'ingénieur du son et travaille dans un studio spécialisé dans la post-production sonore pour le cinéma et la télévision. C'est à cette époque qu'il commence à monter des films durant son temps libre, pour lesquels il enregistre aussi ses propres bandes-son, prélude en quelque sorte à ses futures installations multimédias, sonores et visuelles, qui ont fait sa réputation en Europe. En ce qui concerne sa passion pour l'Arctique, notre Allemand ne se l'explique pas : I was probably born with it, déclarait-il ainsi à The Quietus il y a quelques années, simplement fasciné par ces paysages immenses, à la fois sublimes et dangereux.

Signé sur le jeune label néerlandais Barooni, notre homme sort Nunatak Gongamur en 1990, un premier album en forme d'hommage déjà aux environnements polaires, le terme groenlandais nunatak désignant une éminence rocheuse au-dessus de la glace. Quant à celui de gongamur, il s'agit sans doute d'un néologisme forgé par l'intéressé lui-même, en référence au gong utilisé durant la phase d'enregistrement préalable. Frappé avec plus ou moins de force, plus ou moins de rapidité, parfois râclé, ce dernier est cerné par une armée de micros captant la moindre de ses vibrations, ensuite retravaillées en studio. Thomas KÖNER travaille ici le son comme un forgeron martèle une pièce de métal. Il étire les pistes, retire certaines fréquences, joue sur les volumes, ajoute de l'écho et assemble des boucles, dans le but de faire émerger des sons insolites et nouveaux, des ambiances étranges, minimalistes et froides.

À la limite de la musique expérimentale et du dark ambient, Nunatak Gongamur rappelle en partie les travaux du musicien gallois LUSTMØRD. Ce disque développe des atmosphères chtoniennes et minérales. À la différence de ses autres productions davantage inspirées par les grands espaces hyperboréens, l'Allemand nous confine ici dans la solitude d'un abri de fortune où nous parviennent les sons inquiétants du monde externe. Bruits de roches, bruits de vent, bruits métalliques ou plus animaux aussi, non identifiés, hurlements stridents par endroits, pour lesquels on tressaille, comme si dans la tempête au-dehors rôdait encore une bête oubliée.

Mais Nunatak Gongamur est une œuvre à part dans la discographie de Thomas KÖNER, qui pratiquait alors un ambient assez bruitiste. Si certains passages renvoient déjà aux drones de Teimo et Permafrost, sa musique n'était cependant pas aussi immersive et manquait encore parfois d'intensité. À la longue, les dernières pistes de l'album semblent bien monotones et en laisseront certains de marbre, plus interloqués que réellement captivés par ces expériences sonores au gong. Un premier disque intéressant néanmoins, à réserver aux amateurs d'ambiances austères et sombres.