La différence entre Talk Is Cheap (1988) et Main Offender (1992), c'est qu'entretemps, les ROLLING STONES sont revenus, en grande forme, en studio (génial Steel Wheels, 1989) comme en tournée, et que Keith RICHARDS semble en avoir bien profité. Ce n'est pas pour rien si ce disque surpasse son prédécesseur en qualité, même si pas de beaucoup.

Enregistré aussi bien à New York qu'en Californie, Main Offender permet de retrouver le groupe de copains X-PENSIVE WINOS, à savoir Steve Jordan, Waddy Wachtel (tous deux aidant à la composition des chansons de Keef), Ivan Neville et Charley Drayton. Point de Bobby Keys à l'horizon cette fois, même de loin ! Parmi les choristes, il y a aussi Sarah Dash déjà très présente en 1988 ainsi que Bernard Fowler, devenu un apport non négligeable, durable même, à l'évolution des ROLLING STONES.

L'album contient, sans surprise, du pur blues-rock pépère et routier comme on l'aime, conduit par la voix de Keith tour à tour adolescente et plus rauque. Cela commence fort avec "999" où l'orgue de Neville ronronne et Drayton à la basse s'illustre d'emblée à côté de notre tandem Richards/Wachtel suffisamment affûté. Efficace et huilé, de même que "Wicked As It Seems", légèrement plus lent et un peu plus héroïque en même temps. Deux titres stonesiens dans l'âme, que l'on peut retenir.

Comment passer à côté de "Bodytalks", avec son intro aux slides roulantes (avant que le riff ne s'amuse à évoquer "Owner of a Lonely Heart" de YES !), basse en croches, interventions mi-dialogue mi-chant et très sensuelles de Sarah Dash (qui apporte son crédit au morceau) ? D'un bon niveau également, cette "Eileen" très léchée – sans mauvais jeu de mots, surtout pas avec un Rolling Stone -, "Runnin' Too Deep" avec Jordan impeccable et où Neville ajoute même un peu de clavecin.

"Yap Yap" se la joue cool mais tourne à vide par moments, ce qui est toujours plus appréciable d'un point de vue musical que l'inévitable reggae "Words of Wonder", notre pirate RICHARDS n'ayant jamais vraiment décroché de son amour pour Bob MARLEY et le centre-Jamaïque en près de vingt ans. Non pas que ce soit mauvais, mais ne fumant pas de ganja (ni rien d'ailleurs), c'est une incartade dont on peut facilement se passer.

Keef a aussi néanmoins toujours cette envie de ne pas se mettre directement sous les spotlights et la musique qu'il enregistre avec ses potes semble à peine sortie du garage, en cherchant à garder la spontanéité des débuts, des origines, du blues. Du coup, cela pêche au niveau de certains arrangements ; cependant, on trouve de belles surprises comme "Hate It When You Love", au rythme soul et à l'orchestration inédite de saxophones et de flûtes piccolo guère envahissante.

La guitare acoustique conjuguée au riff solaire de "Will But You Won't" arrive avec un peu trop de retard dans l'album et demeure trop à l'arrière-plan. Dommage, le titre est correct, tout comme le chant plus nerveux de Keith. La basse est proéminente comme sur l'ensemble du disque, et des riffs comme ceux-là, il en pondra encore avec classe jusqu'en 2023 ("Anger"). On termine avec "Demon", genre de blues des îles, charmeur et doté d'une bonne cohésion du groupe. Tout pour passer un bon moment, sans grande prétention et à l'image de notre tête de bois brûlé et peinturluré de khôl !