Il faut bien l'avouer, le quatrième opus solo d’Edwyn COLLINS, [I]I’m Not Following You, je l’ai abordé avec une certaine réserve. Après un début de carrière post-Orange Juice finalement assez mitigé, l'Écossais m’a appris à me méfier. Quelques tubes ici et là, des élans de nostalgie souvent un peu faciles et une patte qui navigue entre désuétude charmante et banalité assumée - rien qui, jusqu’ici, ne soit totalement convaincant. Alors quand j’ai vu que cet album, sorti en 1997, était entièrement produit par ses soins, j’ai levé un sourcil. Un disque fait maison par un dandy pop-rock en demi-teinte ? J’étais sceptique et ai vite compris qu’il ne fallait pas en espérer plus.

Peu surprenant, COLLINS ouvre son album par ses meilleures cartes : tout d’abord, l’atmosphère trippante de "It’s A Steal", plus directe, avec son énergie pop sixties, puis "The Magic Piper (Of Love)" me surprend avec son groove inattendu très funky, sa flûte et ses arrangements de claviers vintage plutôt cool. La guitare y est aussi bien aiguisée, donnant son côté bien perché à cette chanson dont la production tient debout toute seule. Serait-ce enfin l’album où Edwyn COLLINS s’apprête à imposer son influence ?

Dans la même lignée, "Seventies Night" est un superbe titre psychédélique qui nous plonge dans un nightclub imaginaire avec sa vibe rétro assumée mais carrément moderne. L’ambiance de "Downer" change du tout au tout : ce rock désabusé est introduit par une ligne de basse sobre. COLLINS chante d’une manière un peu trop paresseuse à mon goût, mais cela n’enlève rien à la mélodie sombre et efficace, soutenue par la guitare et le glockenspiel d’Edwyn. Si on avait un doute, la fougue a définitivement été retrouvée dans "Keep On Burning", titre très accrocheur grâce à ses choeurs et ses effets de guitare fuzz.

Malheureusement, passé ces quelques chansons, le disque s’essouffle sans prévenir. COLLINS se perd dans une suite de morceaux tièdes, mous et sans direction claire. Les rythmes ralentissent et les mélodies s’aplatissent comme en témoigne la soft pop de "No One Waved Goodbye" avec son glockenspiel ultra marqué et ses choeurs fantomatiques ; ou encore "For The Rest Of My Life", "Superficiel Cat" et "Running Away With Myself" dont le seul intérêt est la trompette qui donne à ce dernier un tout petit peu de relief.

"Country Rock" opte pour une instrumentation presque parodique et, franchement, la blague fonctionne assez bien. Toutefois, "Adidas World", qui voit Edwyn s’attaquer à la société de consommation avec une ironie décapante, ne passe pas, à l’image de "I’m Not Following You" qui s’étire vraiment inutilement sur plus de sept minutes ; le morceau titre construit progressivement une atmosphère psyché qui souffre de sa lourdeur, au point d’arriver presque excédé sur cette très belle outro instrumentale alliant synthés, guitare et saxophone.

Bien qu’Edwyn COLLINS possède un vrai sens du détail sonore, I’m Not Following You peine à dépasser le seuil de la simple convenance, ce sera donc encore un 3,5. Edwyn COLLINS reste fidèle à lui-même, à la fois attachant et frustrant, incapable de transformer ses obsessions pour les textures vintage et les arrangements fouillés en un album réellement marquant de bout en bout. Il y a là une esthétique cohérente, une patte bien à lui, mais trop souvent mise au service de titres mous ou anecdotiques. On sent l’amour du son, de la production artisanale, des références soigneusement digérées — mais tout cela ne suffit toujours pas à combler l’absence de souffle véritable.