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John COLTRANE - Interstellar Space (1974)
Par ONCLE VIANDE le 13 Décembre 2008          Consultée 5714 fois

Ceux qui ont suivi John COLTRANE jusqu’au bout ont attendu sept ans pour découvrir son dernier enregistrement. « Interstellar space » sort en 1974 alors que le saxophoniste a déjà quitté ce monde. De cette quête de liberté entamée avec « Giant steps », « Interstellar space » représente sinon l’achèvement du moins la dernière voie ouverte par le maître.

En 1967 l’improvisation n’est plus une caractéristique du jazz, c’est son essence même. COLTRANE a exploré toutes les possibilités harmoniques et ne s’intéresse plus qu’au son. Couleurs, matières et textures sont devenues ses seules préoccupations. De là sans doute son retour au ténor en 1965, plus riche en possibilités. De là aussi sa fascination pour un jeune batteur qui a intégré son quintette il y a peu : Rashied ALI.
COLTRANE trouve le temps d’enregistrer six duos avec Rashied. Cette session unique fournira le matériel d’« Interstellar Space ». Contemporains d’« Expression » et « Stellar Regions », ces duos constituent une expérience parallèle à son dernier quintette et prouve que COLTRANE pouvait explorer plusieurs pistes simultanément.
Le ténor est élastique. Il est devenu une pâte à sons pour COLTRANE qui les étire, les tord et les malaxe. Il les sature aussi à la façon d’Albert AYLER, sans recourir à l'électricité (COLTRANE n’utilisera jamais l’électricité) mais par une technique de jeu permettant d’en dégrader le timbre.
La contrebasse et le piano n’interfèrent plus avec son saxo qui ne rencontre plus d’obstacles. Seule la batterie peut encore l’accompagner dans ce voyage inharmonique. COLTRANE avait déjà expérimenté le duo sax/batterie en 1965, mais le terrain était encore balisé. Les deux musiciens sont désormais affranchis de toute règle. Plus de rythme pour ALI, plus d’harmonies pour COLTRANE, justes des formes qui s’épanouissent et s'entrelacent. Les volutes de saxo s’enroulent autour des gerbes de percussions, se crispent, se relâchent. Tout est libre et pourtant tout semble découler d’un seul métabolisme.
Si COLTRANE est éblouissant, ALI reste la véritable attraction de ce disque. Sous ses baguettes les rythmes deviennent des grondements d'une densité fabuleuse. Par l’imagination et le renouvellement de son jeu, il pousse COLTRANE au même dépassement. Les deux artificiers se livrent un combat en même temps qu’ils pactisent autour d’un même but ; faire monter toujours plus haut les flammes d’une musique qui ne peut tolérer ni l'immobilisme ni le relâchement.
Des clochettes relient l’oeuvre au magique. On retrouve la dimension rituelle de « Om » ainsi que la référence au chiffre « 4 » d’« A love supreme ». « Interstellar Space » est enregistré à l’époque où COLTRANE envisage de se rendre en Afrique pour retrouver ses racines (son concert ultime au Olatunji Center), mais sa musique se tourne paradoxalement vers l’espace et donc vers l’universel. « Mars », « Venus », « Jupiter » et « Saturn » sont autant d’évocations à l’infini, à l’inconnu. L’intuition d’un dernier voyage peut-être.

« Interstellar space » ne constitue pas une bonne entrée en matière à l'oeuvre de John COLTRANE. C’est un disque qu’il est conseillé d’acquérir assez tard, une fois quelques étapes franchies (« Transition », « Meditations »), ce qui ne signifie pas qu’il ne puisse constituer un choc immédiat pour peu qu’on soit dans les dispositions adéquates. Je me suis surpris plus d’une fois à écouter « Venus » ou l’intro de « Saturn » avec un plaisir simplement physique. Le ténor est chaud même dans ses moments les plus convulsifs. La batterie écoutée passivement finit par parler au ventre pour y imprimer une vibration jouissive. Démystifions donc ce disque et encourageons ceux qui souhaiteraient accomplir le grand saut. Cette musique n'est jamais autre chose que ce que son auteur a voulu en faire : un retour au son primordial.

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   ONCLE VIANDE

 
  N/A



- John Coltrane (saxophone)
- Rashied Ali (batterie, percussion)


1. Mars
2. Venus
3. Jupiter
4. Saturn



             



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