CEEPHAX, dernier rempart de la civilisation face à la grisaille. Tandis que les Trabants du siècle nouveau défilent sur les autoroutes d’Europe, le grand CEEPHAX, le seul, l’unique, ouvre la voie à la résistance en métamorphosant une boîte à rythmes en tapis volant l’instant d’une pochette. Bel ensemble graphique, où Andy JENKINSON, tout de cyan vêtu, martèle les touches de son synthétiseur sur fond de Mille et Une Nuits…

On a le droit d’être hermétique au délire. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir grandi avec Transport Tycoon Deluxe et sa B.O. déviante. Les grands muftis du bon goût ont là matière à fatwas pour quelques années encore. Sur son dernier opus, CEEPHAX lâche un peu du lest sur les beats, pour se concentrer sur mélodies et sur les sonorités loufoques. Résultat : une heure d’Acid House frappadingue, pas un seul morceau faible, et une envolée mémorable au pays de la lampe magique et des opiacés.

Tout commence, ou presque, avec un single bien connu : « Castilian ». Déjà sorti en 2007 sous forme de maxi, cet hymne 8-bit qui ne se prend pas au sérieux est une sorte de manifeste de la recette employée par CEEPHAX sur United Acid Emirates. On prend une mélodie simple et attachante, on rajoute quelques beats bondissants, et on passe le tout au filtre de tout ce qui se fait de pire en matière de sonorités vidéoludiques. On pense aux premiers Super Mario et leur B.O. hypnotisante, à cet inusable Galaxian, et même à Pac-Man, que Richard D. JAMES avait déjà honoré d’un Power-Pill tout à fait dans l’esprit de ce dernier produit de la ceephaxerie.

Andy JENKINSON ne s’est pas grimé en Aladin pour rien. La plupart des mélodies évoquent les compil’ Djerba Oriental Hit que tous les touristes européens se sentent obligés de rapporter de Tunisie. Chez CEEPHAX, comme chez Victor Hugo, l’Orient mêle monde arabe et ibérique indistinctement (celle-là, il faut que je la sorte plus souvent). Castillian puisait déjà dans les vieux clichés de la musique latine ; sur « Royal Lounge » l’artiste se surpasse et accouche d’une macarena sous psychotropes. La mascarade continue avec « Trabzonspor » et « Denizlispor », deux excellents morceaux ambient qui se retrouvent affublés on ne sait trop comment de noms d’obscurs clubs de foot turcs (pardon aux supporteurs concernés, vous avez le droit de vous moquer du Stade rennais).

Comme tout album de CEEPHAX ACID CREW qui se respecte, United Acid Emirates contient un titre long un peu plus fouillé, « Emotinium II », sorte de revue générale de tout ce que les musées comptent d’instruments électroniques. Ça commence comme un morceau du Selected Ambient Works Volume 2, ça monte et sa descend comme un parcours de montagne russe, et ça s’achève sur un kwak-kwak synthétique fort émouvant.

United Acid Emirates est sans doute l’album le plus accessible de CEEPHAX. Il suffit d’écouter « Arcadian (Castilian II) » pour être conquis par son délire généreux. Je connais des gens, tristes derrière leur bureau, à qui cette musique bariolée ferait beaucoup de bien. Je compte sur vous pour que la prochaine fois que je me présente à la préfecture ou à la CAF, je sois accueilli par une tornade de beats déjantés. Fin de transmission.