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NéO-CLASSIQUE / ELECTRO  |  STUDIO

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Johann JOHANNSSON - Fordlandia (2008)
Par SUNTORY TIME le 27 Janvier 2011          Consultée 1865 fois

De tout temps, l’humanité s’est construite à partir d’utopies. De rêves de mondes nouveaux, de sociétés parfaites qui viendraient faire table rase d’une trop décevante réalité. Mais une utopie qui voit le jour cesse alors d’en être une, révélant ses défauts au fur et à mesure. Et en peu de temps, le rêve concrétisé se transforme en cauchemar, tombe à l’abandon, et seules des ruines subsistent parfois.

Au début du XXème siècle, le grand et redoutable industriel Henry Ford investit dans un grand terrain du nord de l’Amazonie pour se procurer du caoutchouc à meilleur marché. Il décide d’y créer une ville nouvelle, une mini société entièrement dévouée à l’entreprise du caoutchouc et où ses salariés vivraient en communauté, dans un nouvel Eden avec maisons communes, église, hôpital, commerces. Le nom de cette ville nouvelle : Fordlandia. Cependant, le Fordisme Made in USA ne correspond pas aux travailleurs, pour l’essentiel des autochtones indigènes, qui finissent par se rebeller contre le quasi-dictat que leur imposait le maître des lieux. La grande aventure de Fordlandia s’achèvera donc ainsi. Désormais, la forêt amazonienne a repris ses droits et ne restent que des édifices fantômes, de verre et de fer, rongés par la rouille et la végétation. La Nature a eu le dernier mot sur l’homme et la machine, encore une fois.

Ces quelques indications me paraissent nécessaires pour comprendre Fordlandia, deuxième opus de Johann JOHANNSSON consacré à la Machine. Après un IMB 1401 (…) dédié aux ancêtres de nos ordinateurs, JOHANNSSON nous livre rien de moins qu’une symphonie qui, loin de vanter le Fordisme, démontre toute l’ambition donnée à la création d’une véritable utopie. Et qui dit Utopie dit Illusion. C’est là que la musique intervient.

Fordlandia a une construction bien différente de son prédécesseur IBM 1401. Alors que ce dernier se profilait en cinq longs mouvements (entre 7 et 10 minutes), Fordlandia se compose de deux très longs morceaux encadrant neuf autres de tailles variées mais généralement bien plus courts. C’est par l’un de ces deux mastodontes que s’ouvre le disque. Et quelle ouverture ! « Fordlandia » commence très doucement, très lentement, comme si l’on s’approchait peu à peu de la cité utopique. Comme toujours, les arrangements majestueux du Philarmonique de Prague nous font valser entre sentiment de grandiloquence et émotion pure (aah, ce passage entre 7 et 8 minutes !). « Soyez les bienvenus à Fordlandia ! » semble nous dire cette immense ouverture.

Les neufs morceaux suivants, partagés entres cinq interludes assez courts (sauf le dernier) appelés « Melodia », alternent avec quatre autres pistes. L’intensité dramatique est très présente sur le superbe et inquiétant « The Rocket Builder » et ses cordes poignantes, mais aussi sur « Melodia III » avec ce piano solo très doux au début, puis de plus en plus recouvert d’une ambiance angoissante, orageuse. Autre grande œuvre du disque, « The Great God Pan is Dead » vient nous faire frissonner entre l’orgue et les chants religieux (en fait un poème chanté, écrit par Elizabeth Barrett Browning), qui monte en intensité avant de disparaitre dans le néant. Le Dieu Pan est mort, l’utopie s’effondre, il faut partir de cette ville incohérente. Partir par les moyens d’une fusée probablement, comme le laisse supposer le sous-titre du cinquième « Melodia » , «Notifications pour une Machine à Propulsion basée sur la Théorie Quantique de Heim ». Ce morceau de 9 minutes est un très long crescendo, la mélodie ne varie pas mais l’intensité est bel et bien là. La rythmique électronique donne à ce titre épique une dimension bien au-delà du simple morceau dit de musique « classique ».

L’album s’achève comme il a commencé, par un très long mouvement. Encore plus long que « Fordlandia », le final au titre explicite « How We Left Fordlandia » est cependant moins accrocheur que l’ouverture. Il met trop de temps à vraiment démarrer, et le summum du titre est un passage bien trop court, alors que la fin s’étire longtemps, longtemps, longtemps. Mais après tout, cela représente bien le fait de quitter Fordlandia depuis cette fusée d’où l’on regarde la cité industrielle s’éloigner, devenir de plus en plus petite, un point dans l’immensité amazonienne, puis disparaître.

Fordlandia est une pièce de choix dans l’œuvre néo-classique du compositeur Islandais. Grand maître dans l’art de créer des longues envolées symphoniques dignes de renverser les âmes. Malgré cela, ce disque souffre de quelques lourdeurs, de par sa grande longueur (presque 70 minutes), et par un milieu de disque pas vraiment marquant en ce qui concerne « Melodia II », « Aerial View », « Chimaerica » et « Melodia IV » (le troisième « Melodia », cité plus haut, échappe à la règle tant ce piano est magnifiquement glaçant). Quant à « How We Left Fordlandia » , il est certes un peu longuet, mais reste très beau, soyons bon Prince.

Symphonie de l’Utopie dans toute la mégalomanie dont Henry Ford était sujet, Fordlandia est un disque d’une grande richesse, entre arrangements symphoniques et habillages électroniques qui renforcent le climat pesant régnant sur la cité fantôme (il y a même de la guitare !). Encore une fois, JOHANNSSON nous invite au voyage, vers des contrées magiques et irréelles. La Musique avec un grand M, une lettre de Noblesse.

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   SUNTORY TIME

 
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- Johann Johannsson (piano, orgue, guitare et arrangements électronique)
- Miriam Nemcova (direction du city of prague philarmonic orchestra)
- Gusni Franzson (clarinette)


1. Fordlandia
2. Melodia I
3. The Rocket Builder
4. Melodia Ii
5. Aerial Wiew
6. Melodia Iii
7. Chimaerica
8. Melodia Iv
9. The Great God Pan Is Dead
10. Melodia V (guidelines For A Space Propulsion Devic
11. How We Left Fordlandia



             



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