Un bon artisan, c'est qui ? C'est tout d'abord un être doté d'un talent remarquable, capable de réaliser avec brio une tâche particulière. C'est également une personne à même de s'entourer d'une équipe suffisamment compétente pour lui permettre de réaliser un travail de qualité. Enfin, un bon artisan sait faire de la qualité de son travail un moyen, et non pas une finalité ponctuelle. En ce sens, LAST AUTUMN'S DREAM (que nous abrégerons en LAD) peut être considéré comme un supra-artisan du rock mélodique. Le groupe germano-suédois, qui compta jusqu'à 3 ex-membres de Europe dans ses rangs à ses débuts, est mené de main de maître depuis 2002 par le compositeur et vocaliste Mikael Erlandsson (sans doute le seul artiste à avoir représenté 3 pays différents à l'Eurovision : la Suède, la Pologne et la Lettonie). Boulimique de travail, celui-ci a permis à son groupe de sortir rien de moins que 9 albums studio en... 9 ans de carrière. Entièrement dévoué à la cause d'un genre laissant peu de place à l'évolution et aux changements de plan de carrière, LAD est parvenu jusqu'à présent, tour de force ultime, à éviter l'album trop consensuel ou dénué d'intérêt. Bref, c'est de la bonne !

Dans un style si balisé, et avec tellement d'albums à son actif, LAD a peu de chances de surprendre son public avec ce neuvième album fort justement intitulé Nine Lives. Car malgré une indifférence polie en Europe (si le groupe est considéré comme un des meilleurs du genre, il n'en reste pas moins confiné dans un anonymat décevant), le combo jouit paradoxalement d'une popularité enviable au Japon, terre d'accueil pour ce genre de rock accessible et formaté. Sans avoir à subir la pression du résultat, Mikael Erlandersson propose donc une nouvelle collection de titres prévisibles (un titre comme « All I can think of » pourrait figurer sur n'importe quel album du groupe) mais magnifiés par l'immense talent du compositeur.

Afin de vous faire une idée, imaginez un croisement hybride entre Bon Jovi, Europe, Loverboy et Stan Bush. Vous aurez alors un aperçu des différentes influences qui parsèment l'album. Légère touche d'originalité, Nine Lives propose un titre lorgnant également du côté de Queen. « Megalomania », avec son piano dansant et ses mélodies grandiloquentes, aurait en effet pu figurer au répertoire du groupe de Brian May. Pour le reste, LAD continue de voguer sur des mers rock/hard rock mélodiques calmes et accueillantes, avec une réussite insolente, traduite par des titres comme « Nine lives », « Merry go round », ou encore l'irrésistible « Angel eyes » qui inondent l'album de leur classe. « The last to know », sur laquelle le chanteur Jeff Scott Soto vient poser sa voix chaude parachève une œuvre complétée par deux ballades évitant le piège de la mièvrerie, « Is it just another heartache » et « Don't let love fade away ».

Malgré ce « formatage » des titres, on sent à l'écoute de la musique de LAD un amour sincère pour le rock mélodique, qu'il pratique à merveille. Certes, Nine Lives n'est pas le meilleur album de la riche discographie du groupe (Saturn Skyline reste à ce jour sa meilleure offrande), et il donnera de l'urticaire à toute personne allergique aux claviers imposants. Néanmoins, il s'impose naturellement comme une réussite supplémentaire dans la carrière d'un groupe constant et toujours inspiré, malgré sa boulimie de travail. Bref, un bon boulot d'artisans !

Note réelle : 3,5/5