Si RUNRIG s'est fait plus que discret depuis 2007, assurant de nombreuses tournées mais totalement muet en ce qui concerne les enregistrements studio, ce n'est pas le cas de son chanteur, le Canadien Bruce Guthro, qui a aligné les albums comme des perles depuis le début des années 2000. De sa voix chaude et touchante, l'artiste s'est fait jazz (Beautiful Life), pop-rock (No Final Destination) ou a pris à cœur de redécouvrir son patrimoine celtique avec le folk Celtic Crossing en 2011. Jamais auparavant néanmoins l'artiste ne s'était frotté aux chants de Noël, qui constituent pourtant l'essentiel de ce nouvel album. Si l'exercice peut paraître cliché et opportuniste, à cette période où les chaussures envahissent les pieds des sapins, Bruce GUTHRO ne l'a pas pris à la légère. Au lieu de se contenter de poser sa voix sur quelques chants traditionnels de Noël, il a pris le temps de doter ces derniers d'arrangements comme autant d'habits neufs, et a eu la bonne idée d'agrémenter l'ensemble de compositions personnelles. Le résultat convertirait à la magie de Noël le plus blasé des sceptiques.

La série des cantiques débute avec « Angels we have heard on high », connue en français sous le titre « Les anges dans nos campagnes ». Sur une base acoustique viennent se greffer une flûte, la voix chaude et tendre de Bruce GUTHRO ainsi que quelques choeurs discrets qui confèrent à l'ensemble une dimension mystique. Religieux ou non, il est impossible de rester insensible à la mélodie pure de ce morceau, sans doute l'une des plus belles jamais écrite. Gagnant peu à peu en puissance, le titre finit par s'envoler vers des cieux enneigés, et emporte l'auditeur avec lui. Ce titre donne la teneur de l'album : Athée ou fanatique, chacun va trouver son compte dans cette interprétation toute personnelle de cantiques dont le sens reste universel : le partage, l'empathie, la solidarité, la bienveillance, voici les préceptes que l'on retrouve dans ces titres. « Do you hear what I hear », titre plus contemporain et méconnu en France (repris notamment par David Arkenstone, Moya Brennan ou The Carpenters), introduit une cornemuse discrète tandis que le chanteur offre, sans forcer, une magnifique prestation. Le plus enjoué « O come all ye faithful », de par sa guitare et son banjo sautillants, se fait un moment d'exultation pure, à l'image de ses paroles traitant de la réjouissance que procure la naissance du Christ.

« Bound for Bethlehem », le premier d'une série de quatre compositions personnelles, surgit en donnant l'impression d'être lui aussi un traditionnel, tant son thème dégage une puissance et une force phénoménales. Au contraire, Bruce GUTHRO s'affirme ici en compositeur de grand talent, proposant un de ses tout meilleurs morceaux. Les trois autres sont également de très bonne facture : « Boy from the woods », délicate ballade pop-folk aux intonations country, « A good Cape Breton Tune », hommage folk celtique rythmé et énergique à l'île du Cap-Breton dont l'artiste est originaire, et « Christian soldier », complainte folk acoustique toute en nuances. Les autres cantiques présentés, connus par delà les frontières, présentent leur lot de bons moments. On retiendra en particulier une interprétation magnifique de « O holy Night » (« Minuit Chrétiens »), « Go tell it on the mountain », folk dont le clavier rappelle les origines gospel, ou encore « Auld lang syne » (« Ce n'est qu'un au revoir »), dont la mélodie ultra-connue et persistante clôt l'album en beauté.

Doté d'une dimension religieux, mais plus concentré sur la beauté des mélodies et des cantiques que sur l'aspect purement chrétien, Bound For Bethlehem est sans doute le meilleur album de chants de Noël qu'un artiste ait proposé depuis bien longtemps. Respectueux et audacieux, calme et enjoué, l'album rassemble également quelques une des meilleures prestations vocales et compositions personnelles d'un Bruce GUTHRO qui n'en finit plus de séduire depuis qu'il a « redécouvert » ses racines celtiques. Un album à écouter au coin du feu, une Guinness à la main, pour en prendre la pleine mesure.