AVERTISSEMENT : cette chronique de bande originale de film est également susceptible de contenir des révélations sur le film

Il ne fait pas bon s'appeler Ridley Scott. Malgré tout le talent de ce cinéaste anglais, ayant un sens de la photo et de l'art remarquable, nombre des films qu'il a réalisés sont des plus passables. Pire, certains sont de véritables navets, à l'instar de GI Jane, 1492 ou encore Prometheus, le film qui fait faire des cauchemars, et pas pour les bonnes raisons. Mais Ridley Scott garde tout de même une bonne réputation, notamment grâce aux chefs-d'oeuvre qui parsèment sa discographie. Je pense notamment à Gladiator, qui a relancé le péplum, ainsi qu'aux deux films de science-fiction qui le rendent presque intouchable aux yeux de certains (on oublie Prometheus) : Blade Runner et Alien. Soit deux des films majeurs du genre, rien que ça. Le premier, adapté du roman de Philip K. Dick, est une merveille cyberpunk aux thématiques percutantes, et le second se place tout simplement parmi les meilleurs films de la fin des années 70.

Regarder Alien, c'est l'assurance de regarder un film terrifiant, glacial, qui joue sur les nerfs du spectateur et ne laisse jamais indemne. Sur une idée assez bête au final (un slasher où les membres d'un vaisseau rencontrent la plus dangereuse créature de l'espace), Alien se construit sur une réalisation aux petits oignons, des effets spéciaux limités mais crédibles, une direction artistique phénoménale, et un jeu d'acteurs qui colle parfaitement. Entre claustrophobie, traque d'un superprédateur, thématique du viol, tout ceci dans un environnement délabré, rien n'est épargné au public. Ce dernier a pourtant eu l'intelligence de comprendre et de faire d'Alien un succès grandiose doublé d'une nouvelle référence, rien que ça.

Afin de rendre un tel film complètement excellent, il fallait la musique qui va avec. Pas question de prendre un tâcheron qui sortirait une musique des plus convenues étant donné le caractère horreur du film. A l'origine, le Japonais Isao Tomita était pressenti par Scott pour composer la musique, mais ce fut finalement Jerry Goldsmith, une valeur sûre d'Hollywood, qui fut imposé. Certaines tensions se créèrent par la suite, la musique de Goldsmith étant remontée et redécoupée au bon vouloir du chef monteur Terry Rawlings, qui ira jusqu'à prendre des extraits composés par le musicien pour d'autres films.

Ceci étant, cela n'a pas empêché Goldsmith de se mettre au diapason du film, c'est-à-dire créer une musique aussi terrifiante que jouissive. Le National Philharmonic Orchestra déploie cordes et cuivres pour jouer une musique qui écrase, étouffe, se fait complice des ténèbres du Nostromo, qui cache un passager clandestin des plus indésirables de par sa dangerosité. Aucune émotion positive ne traverse la musique, aucun contraste impertinent entre une situation tendue et une mélodie joyeuse n'est à déplorer. L'absence de véritable thème contribue nettement à empêcher toute familiarisation, à éviter de donner une branche de secours, aussi futile soit-elle. L'usage de vents renforce un caractère morbide, notamment lorsque dans le film, Ripley, Parker et Brett trouvent le chat du vaisseau ("Cat Nip"). Rarement une clarinette n'aura aussi sonné de manière aussi sombre. Goldsmith s'impose sans jouer un rôle majeur, s'efface sans pour autant être transparent.

Quelques boursouflures déteignent néanmoins sur la musique. Ainsi, certains thèmes paraissent un poil patauds, notamment celui qui illustre le combat final entre Ripley et l'Alien. Mais dans l'ensemble, aucun vrai ratage n'est à déplorer. Non seulement la musique de Jerry Goldsmith est bonne, mais en plus elle sied parfaitament au film. Une réussite bien rare, mais surtout bien méritée.

Note réelle : 4,5/5