Véritable phénomène d’une génération (entre 13 et 25 ans plus ou moins), FAUVE est parvenu à s’imposer en l’espace de très peu de temps, avec un stock limité de chansons et sans jamais faire de promo à la télé. Avec l’ambition d’annihiler les intermédiaires entre l’artiste et le public, ils interagissent régulièrement par les réseaux sociaux, ne passent par aucun label et imposent un format musical, pas forcément novateur mais pourtant original. Les qualités : une voix unique, qui parle très vite pour dire beaucoup de choses ; une musique répétitive mais évolutive ; un message dénué de tout détour, un texte si individuel qu’il en devient universel.

Avec l’E.P. Blizzard, le groupe se présentait par quelques morceaux finement maîtrises qui réussissaient à toucher très rapidement l'auditeur. L'impatience était de mise pour ce premier album, histoire de voir si le groupe se pétait lamentablement la gueule ou s’il prouvait qu’il n’est pas qu’un phénomène de mode en dépassant largement les compositions précédentes. Au final, FAUVE se place entre ces deux extrêmes et maintient une constance fort plaisante.

Première bonne idée : avoir fait un « album concept », loin des formats de singles actuels. En effet, Vieux Frères partie 1 s’annonce comme un récit initiatique, qui commence avec « Voyous » et narre l’évolution de ces jeunes désabusés dans cette société hermétique. Leur histoire c’est celle d’une grande majorité de jeunes et il est donc fréquent de se reconnaître dans une chanson ou l’autre. Loin des paroles niaises ou trop poétiques, FAUVE choque par des paroles simples et efficaces.

Point de vue musical, le groupe reste dans sa lancée avec des compositions répétitives (au sens positif du terme) et souvent aux arrangements bien plus riches que dans l’EP. Certaines chansons sont même vraiment sublimes et on aimerait pouvoir espérer que tout l’album soit de cette crampe : « Tunnel » est très élaborée, « Lettre à Zoé » magnifique, « Loterie » culmine l’album de très loin. L’usage d’un sample de musique classique sur « Voyous » est aussi une bonne idée. D’autres morceaux sont plus anecdotiques et l’auditeur actif aura tendance à les passer (oui, je suis un auditeur actif).

Au niveau des textes, ça se gâte. On trouve du bon, du très bon, et du mauvais voire chiant. L’E.P. avait profondément marqué car chaque chanson (ou presque) regorgeait d’une qualité d’écriture irréprochable : les refrains, anaphores et autres procédés se retenaient parfaitement et s’avéraient finalement aussi musicales que les instruments eux-mêmes. En effet, le véritable danger du spoken word est d’être confronté à une simple lecture sur fond musical. Pour sublimer le genre, il faut donc parvenir à mettre suffisamment de répétitions, de mélodies, de ruptures pour rendre la voix musicale. Le phrasé, la rythmique : c’était ce qui avait rendu l’EP presque irréprochable. Ici, sur certaines chansons, le boulot est parfait : « Voyous » ; « Infirmière » et sa mélodie ultra accrocheuse ; « Lettre à Zoé » ; « Loterie » … Mais sur certains morceaux, le texte est si décousu, qu’il est difficile de réellement s’y attacher, d’y trouver un point d’appui : « Requin-tigre » ou « Jeunesse Talking Blues » regorgent de bonnes idées mais n’arrivent pas à s’imposer (à mon goût) comme des chansons pleinement complètes.

Le constat est donc plutôt positif, FAUVE remplit sa mission de « grand frère » à la perfection. Vieux Frères partie 1 s’impose comme un premier disque plus qu’honnête, un peu inégal sur la longueur mais bourré de bonnes idées attachantes et efficaces. Suivis par un public attaché et convaincu, ces artistes n’auront pas de mal à évoluer et à proposer quelque chose d’encore plus musical sur le prochain disque.

* Mon coup de cœur : Loterie
* Mon coup de gueule : Requin-tigre
* La chanson qu'on doit ralentir parce que le monsieur il chante vraiment très vite : Jeunesse Talking Blues