Alors voilà, ça y est. Depuis deux ans, GBH s'est enfin converti à la religion du crossover. Chantez haut-bois, résonnez trompettes, ça va continuer de secouer violemment dans les chaumières britanniques en ce début de décennie 1990. La scène punk hardcore made in UK, craignant alors l'asphyxie, poursuit toujours ses recherches en explorant d'autres pistes, n'hésitant pas à aller voir du côté des USA pour y trouver un second souffle. GBH, après avoir hésité pendant des années à suivre la voie tracée par certains de ses éminents confrères depuis 1986, y a finalement succombé lui aussi au tournant de la décennie.
Le line-up de GBH a encore bougé, et bien évidemment, c'est encore le poste de batteur qui se voit concerné : Kai Reder s'en va et laisse ainsi la place à un certain Joseph Montero, qui ne restera cependant pas longtemps au sein du groupe.

La pochette de cet album de 1992 est assurément la plus laide jamais conçue pour un album de GBH. Quoi que, celle de Ha Ha en 2002 sera bien laide elle aussi...
Sérieux les gars, c'est quoi ce délire ? Quel est le graphiste honteusement imbibé de whiskey responsable de cette horreur sans nom ? Vous l'avez payé comment ? En canettes de bière périmées ? En caisses de scotch ? Quelle honte...

Outre sa pochette immonde, Church Of The Truly Warped est régulièrement cité comme étant l'album le plus ouvertement "metal" de GBH, et en effet, il s'agit de leur album où les influences crossover thrash sont les plus visibles. Le crossover thrash, GBH s'y était certes déjà adonné deux ans plus tôt sur le plutôt correct From Here To Reality (1990), mais on sentait quand même que le groupe n'était pas totalement à l'aise dans l'exercice. Histoire de s'affirmer un peu plus, les tempos sont donc ici plus soutenus, la production gonfle beaucoup la guitare qui sature plus que de coutume et l'ensemble sonne relativement plus lourd que tous les disques produits par GBH depuis le début de sa carrière.
Après, l'album demeure quand même très fidèle au style rock'n'roll et portnawak de GBH : la voix de Colin Abrahal est toujours aussi narquoise et moqueuse, les paroles sont dans la droite lignée des précédents opus, à savoir pleines d'humour et de blagues plus débiles que jamais, bref on est ici en territoire connu.

Du reste, GBH se fait quand même encore assez hésitant sur cet album. Les titres ne sont ni vraiment bons, ni vraiment mauvais. Des vrais pépites punk méchantes, il y en a, oui. Citons ainsi le titre d'ouverture, "Pure Greed", qui défonce tout sur son passage, ou bien "Leather Coffin", probablement l'un des titres les plus metal de l'opus. Citons encore "All For The Cause", énorme titre de thrash groovy à la SUICIDAL TENDENCIES, ou bien également la sympathique "Lords Of Discipline", avec ses riffs musclés à la SLAYER.
Cependant l'album est également truffé de morceaux de remplissage, qui ne servent vraiment pas à grand chose : citons par exemple "No Enough Hate", "Candy Man", "Evil Evar", etc... D'autres titres sortent un peu plus du lot : "I Need Energy", au riff lorgnant presque sur l'indus, ou bien "Back", avec ses riffs légèrement mélancoliques dans une veine punk très années 1980 et qui nous rappellent les origines du groupe... Mentionnons aussi la piste éponyme, "Church Of The Truly Warped", qui est certes pas mal foutue, mais où l'on sent quand même le groupe un peu à la peine pour proposer quelque chose d'original.
Oui, durant tout l'album ça groove, ça envoie du lourd, mais le tout sonne quand même plutôt linéaire. On alterne donc à plusieurs reprises entre des moments vraiment sympas et d'autres plutôt fatigants. Le juste milieu entre le léger intérêt et l'ennui, en fin de compte.

Des principaux groupes de l'ancienne scène UK 82, GBH n'est donc visiblement pas celui qui s'est senti le plus à l'aise lors du passage à la mode du crossover thrash, et son retard en la matière en est symptomatique.
DISCHARGE expérimentait à tout va, très maladroitement, en osant incorporer dans sa musique des éléments de hard rock avec, certes, peu de succès. The EXPLOITED assumait pour sa part directement l'influence du hardcore américain en durcissant considérablement les choses, quitte à choquer son public traditionnel.
Et GBH, eh ben GBH... n'a rien fait de vraiment original.
Car From Here To Reality (1990) et ce Church Of The Truly Warped de 1992, ne sont rien de moins que de banals albums d'un punk hardcore vaguement thrash, qui tente certes de suivre le mouvement, mais sans vraiment y parvenir avec brio et originalité.

Church Of The Truly Warped est donc effectivement l'album le plus "metal" de GBH, mais il est assurément loin d'être l'album de crossover britannique le plus réussi. L'opus compte cependant un bon nombre de titres fort sympathiques, qui valent assurément le coup que l'on s'y attarde quand on aime le gros hardcore thrashy qui groove. Mais du reste, le groupe a fait largement mieux par le passé... et fera bien mieux par la suite.

Pour les archéologues du hardcore.