La situation est fort simple : après avoir trusté les hits parades, collectionné les récompenses et hanté les plateaux télés avec la régularité d'un candidat à la présidentielle pendant deux années, le groupe des Ch'tis doit donner naissance au successeur de l'excellentissime "Can be late". Matt et sa bande ont un beau challenge à relever. Rien moins que l'accession au premier rang des groupes frenchies : INDOCHINE en roue libre, TRUST trop affairiste, NOIR DESIR mort mais pas enterré, RITA MITSOUKO tranché en deux, TELEPHONE qui n'en finit plus de peut-être revenir, à la façon d'un LED ZEP français, LOUISE ATTAQUE dans les choux... Le trône est vacant, semble-t-il. Après une telle introduction, vous comprendrez bien qu’il est inutile de continuer de gloser sur l’avenir de la galette qui vient de sortir.

C’est avec le titre « Nameless World » que les nordistes attaquent les tops. Ce single est taillé pour les dance floor avec son petit rythme pop ska que n’auraient pas renié les authentiques fumeurs de Ganja made in Jamaica. C’est d’ailleurs un premier point sur lequel nous pouvons nous arrêter, comme à leur habitude, les Skippy mêlent des influences improbables avec un talent certain, puisque le refrain est sur un mode alternatif évident. Mélodiquement, cela donne un morceau sympa et facilement mémorisable. Les influences Rastas se perpétuent sur « The wrong man », mais la qualité si originale des Lillois agit à nouveau car le refrain est une véritable merveille de Rock couillu, que vous retiendrez dès la première écoute. Un Must ! Ca paraît tout simple tout bête, mais on ne pond pas des classiques ainsi, le talent est indéniablement à l’oeuvre.

Ensuite il y a encore du très lourd : le chouette riff de « Birds are born to fly » associé aux choeurs du groupe qui scande un « nanana nana » d’obédience punk sur cette rythmique très metal, c’est franchement le top, sur des paroles hilarantes. Un morceau qui va carrément rendre les foules dingos en concert et qui sera appelé à mon sens à devenir un des classiques du rock français. « Gone away » est un hymne alternatif mordant et définitif, Matt y crée une ambiance sur le fil du rasoir comme il sait si bien le faire. Magnifique, le meilleur titre de l’album !
Le titre éponyme « Little Armageddon » attaque avec un riff bien plombé, et le style immédiatement identifiable du groupe fait le reste, c’est magnifique d’aisance et de mélodie, alors que Matt pousse sa voix dans ses retranchements sans la moindre difficulté.

Il y a pléthore de bons morceaux : « The taste » nous enveloppe d’une ouate rare chez les petits pois sauteurs, qui rappelle quelque peu les eighties avec son refrain scandé. Dieu merci, la seconde moitié du titre relance les gimmicks chers à nos coeurs avec l’intervention des chorales d’enfant comme sur lé célébrissime « Ghost ». « 30 years » propose tout ce que je groupe fait de mieux, des refrains imparables « Brothers in arms nothing left to loose » des choeurs toujours judicieux. Enfin, petite surprise : nous constatons la présence d’un titre en français « être heureux », et il faut admettre que ça sonne aussi bien que dans la langue de Shakespeare.

Bon, tout ceci ne doit pas oblitérer le fait que quelques titres sont légèrement en deçà des autres, allons-y : le synthé presque éléctro de « The story of gods and men » et les « ohohoh » du refrain me laissent un brin sur ma faim. L’aspect poppy disco un peu mainstream de « Lust for you » ne me convainc vraiment pas. Enfin, le sprint qu’est « we’re all bastards » est bien direct « in your face », mais manque d’un petit quelque chose pour en faire un incontournable. Ouais, je suis certes un peu dur car l’immense majorité des titres est d’excellent qualité et mérite tout notre soutien.

Le travail tout en modestie de Yan à la guitare est tout à fait remarquable, car il rend cette fusion, pourtant improbable, possible avec une vision très originale de la musique, un grand bravo à lui; On saluera la performance globale de Matthieu au chant comme une des plus réussies, il est capable de singer Anthony Kiedis des RED HOT, Bob MARLEY parfois même Joe Strummer du CLASH ou imiter la gouaille d’un Bon SCOTT, bref, la classe ! Le reste du groupe est au top. Au final, le niveau de Little Armageddon est sensiblement le même que celui de son ainé Can be late, la surprise en moins mais la maturité en plus. Le trône reste vacant, mais les ch'tis sont pour moi les premiers prétendants au titre, attendons de voir la réaction du public, le destin des singles et le groupe en live.

Vivement recommandé.