PRIMUS s’est forgé une grande réputation avec le temps. Travaillant la matière sonore en essayant d’en tirer des ambiances étranges, malsaines, le tout sur un fond toujours satirique, le groupe s’est également construit un univers parallèle où les formes n’ont pas de définition définitive et où les couleurs psychédéliques sont en permanente évolution. Attention au bad trip.

« Charlie et la Chocolaterie » est à l’origine un conte pour enfant racontant l’histoire d’un jeune garçon vivant dans une famille très modeste et qui gagnera, par la magie du hasard, un passeport pour une visite de la mystérieuse chocolaterie de Willy Wonka. Confirmant sa fascination pour l’histoire de Charlie, Les Claypool a décidé de se réapproprier la musique du film de 1971. Celle-ci servait l’univers de Willy Wonka, pays des merveilles où l’enfant est roi, avec des ritournelles légères et oniriques.

Vous le sentez, le malaise ? PRIMUS qui visite des histoires enfantines, c’est comme si Jason Voorhees débarquait chez les télétubbies. Amateurs de barbaque, vous ne serez pas déçus.

Instrumentation lourde et vibrante, fragments sonores parsemés et ambiances sous crack en permanence, pour sûr, « Primus & the Chocolate Factory » n’est pas destiné aux jeunes cages à miel. Le groupe change son registre habituel et a convoqué deux musiciens pour alimenter son univers en instruments plus classiques, percussions orchestrales et marimba notamment. La basse de Claypool se fait moins démonstrative, le propos a changé. Le résultat ? Une musique léthargique extrêmement riche. Pas de demi-mesures ici, les sons précis participent à l’aspect immatériel des atmosphères (la contrebasse de « Hello Wonkites », le génial « Farewell Wonkites »), les accords chavirent à chaque coin de partition et la voix de Claypool est toujours aussi psychédélique (« Candy Man »). On a l’impression de voir le monde de Willy Wonka au travers d’un judas de porte, les perspectives sont faussées et les têtes déformées (« Pure Imagination », « Golden Ticket »). Mention spéciale à « I Want It Now » dont la voix (celle de Larry Lalonde), le violoncelle et les arrangements amplifient incroyablement l’impression d’être en face d’un gosse insupportable, on lui collerait bien une gifle.

Inutile d’épiloguer, Primus & the Chocolate Factory est une vraie réussite. Il transcende l’univers de l’histoire originale en le passant dans un accélérateur à particules. Le groupe monte une image d’Épinal sur fond de critique du désir impulsif, du comportement névrosé de certains de nos contemporains au travers de l’image de l’enfant. Nous sommes des mômes éduqués pour désirer l’inutile, pour courir après le dérisoire. C’est un coup de boutoir intrinsèque que nous assène PRIMUS, histoire de nous réveiller un peu et nous tirer de ce rêve peuplé de friandises, de couleurs éclatantes et de réclames grotesques.

Et de temps en temps, ça fait du bien.