Pas de raisons de s'arrêter en si bon chemin quand on s'appelle OAI STAR et qu'on veut tout casser sur son passage. Après un opus éponyme sorti en 2004 qui voyait nos deux trublions Gari Greu et Lux B faire parler la poudre de façon assez convaincante, la suite ne tarde évidemment pas à arriver deux ans plus tard.
"Va à Lourdes", hein ? Allons donc, nos buveurs de pastis invétérés seraient-ils devenus de pieux catholiques ? Que nenni, ma bonne dame ! "Va à Lourdes" est une expression marseillaise, qui signifie de façon assez poétique que vous pouvez aller gentiment vous faire voir.
Ajoutons à ce titre "in your face" la couleur rouge et noir de la pochette de cet album, qui tranche avec celles des deux précédents, et on peut donc s'attendre à ce que les hostilités soient un peu plus aggressives que par le passé. J'ai pas raison, messieurs les Phocéens ?

Oh que si, même si bon, ne nous en cachons pas, OAI STAR n'est pas non plus le groupe de punk le plus conventionnel au monde. La recette appliquée avec succès sur l'opus éponyme de 2004 est donc ici réitérée, et c'est toujours un mélange assez détonnant de punk, d'electro, de rock festif et même de reggae qui nous est proposé ici. Néanmoins, les aspects rock semblent un tout petit peu plus prononcés que deux ans plus tôt.
"Quand On Arrive" fait penser à du ZEBDA des grands jours, alors que "The Ballad Of Lux B & Gari", joute verbale typique de la scène occitane mais revue ici à la sauce punk, est un vrai moment de bonheur. Les musiciens du duo envoient ici un punk rock sauvage, mâtiné toutefois de quelques sonorités electro (une constante chez OAI STAR). On le constate encore davantage sur "Les Poètes du Tiroir", où le duo chante à part égale et envoie une patate de tous les diables. "And I Smoke...", véritable hymne au cannabis chanté entièrement en anglais avec un accent marseillais à couper au couteau, est enfin l'un des moments les plus jouissifs et les plus comiques de l'album.

Les aspects revendicatifs et militants propre à MASSILIA SOUND SYSTEM sont bien évidemment présents sur ce LP à la pochette rouge et noire : le punk rock rigolo de "Bravo mon Papa", critique à peine voilée envers Nicolas Sarkozy (qui pour rappel n'était pas encore président à l'époque), est un véritable appel à remuer dans tous les sens. "Le Destructeurs d'Horodateurs", chanson punk humoristique dans la veine des meilleurs moments des LUDWIG VON 88, est un nouveau gros délire sympathique mais qui prends réellement tout son sens quand on connait l'investissement du collectif Massilia au sein de la ville de Marseille. "Le Bruyant Ferry", courte transition vers la fin de l'album, évoque enfin par quelques samples les conflits sociaux liés au démantèlement de la SNCM dans les années 2000.

Lux B est ici bien plus présent vocalement que sur l'album précédent, et on ne peut que s'en réjouir. La ballade acoustique "Les Fracas de la Plaine", chantée en solo par ce dernier, constitue ainsi une agréable surprise. Le banjo et les percussions minimalistes feraient presque passer le tout pour un titre de MOUSSU T e Lei JOVENTS.
Comme son prédécesseur, cet album souffre de quelques faiblesses à certains moments, de chansons de remplissage un peu inutiles qui ne tirent pas forcément l'album vers le haut. C'est notamment le cas sur "Faut qu'on se lâche", titre vraiment peu intéressant qu'on zappera assez rapidement malgré quelques aspects electro punk sympathiques. "Du Vin et du Boucant", titre reggae chanté par Gari Greu, semble en total décalage avec le reste de l'album même s'il comporte quelques guitares bien placées. Un titre qui n'aurait d'ailleurs pas démérité sur un album classique de MASSILIA SOUND SYSTEM. C'est un peu dommage de finir comme ça, mais cela n'enlève aucunement son charme à ce très bon album de 2006 signé OAI STAR...

En 2007, MASSILIA SOUND SYSTEM se réunit enfin au grand complet pour enregistrer Oai E Libertat, successeur tant attendu d'Occitanista (2002). OAI STAR est alors de nouveau mis en sommeil pour quelques temps. Malheureusement, Lux B décédera des suites d'un cancer en juillet 2008, et la poursuite du projet OAI STAR sera alors sérieusement compromise. Gari Greu recrutera cependant rapidement le musicien suédois Dubmood, adepte de la "chip music" et des consoles de jeux trafiquées, ce qui transformera radicalement le son du groupe et ouvrira une nouvelle ère pour le combo rock marseillais.
Ultime album du OAI STAR "première version", Va à Lourdes constitue donc un superbe testament pour le regretté Lux B : disque bien plus mature que son prédécesseur éponyme, ses textes se veulent plus recherchés même si non dénués d'un humour farceur omniprésent et le son se veut largement plus énervé. Une invitation au pogo, à consommer si possible après quelques rasades de pastis bien fraîches !

Peut être le meilleur album du OAI STAR...