Il y a un volet de la carrière de Manuel Göttsching que nous n'avons pas encore abordé : les concerts. Il faut dire qu'aucun album live officiel n'a été publié avant 1998, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de concerts. ASH RA TEMPEL s'est produit fort régulièrement entre 70 et 75. Ensuite, en solo ou avec ASHRA, Göttsching a fait une petite dizaine de concerts par an, notamment des tournées en France en 76 et 77 curieusement. Après 1981, presque plus rien jusqu'en 97. Ainsi, l'inactivité qu'on a pu constater au niveau des enregistrements studio était totale. A part le concert Walkin' the Desert à Berlin en 88 dont nous avons parlé, il n'y a vraiment pas grand-chose.

Et puis, cela a repris, pas forcément très régulièrement mais tout de même, Göttsching a donné quelques dizaines de concerts depuis lors, et est toujours un peu actif aujourd'hui. On trouve aussi bien une pseudo reformation d'ASH RA TEMPS en duo avec Klaus SSCHULZE que des concerts solo, surtout des interprétations de E2-E4, et aussi des concerts d'ASHRA, avec Harald Grosskopf et Lutz Ulbrich. Dans cette période récente 1997-2015, il n'a publié que deux albums studio : Friendship avec SCHULZE (2000) et Die Mulde en solo (2005). Les concerts font donc tourner essentiellement du vieux matériel revisité de différentes manières. Lui qui n'avait jamais publié d'album live s'est mis à en sortir pour meubler sa discographie. Trois avec ASHRA enregistrés en 97 : @shra 1 et 2, et Sauce Hollandaise, quatre en solo (deux versions de E2-E4, Live at Mt Fuji et Concert for Murnau), et un avec SCHULZE, Gin Rosé.

Chroniquer des albums live n'est pas ma tasse de thé, surtout quand les morceaux ne sont pas originaux comme chez TANGERINE DREAM. Nous allons donc opérer une sélection sévère, d'autant que la plupart de ces disques ne sont pas très bons. E2-E4, on peut écouter l'album studio dans toute sa pureté. Le live au mont Fuji est ennuyeux, tout comme Sauce Hollandaise (lequel, outre son nom stupide, est bancal, surtout la batterie de Grosskopf). Reste les deux @shra qui témoignent des premiers concerts donnés après la longue pause du groupe, lors d'une mini-tournée au Japon, constituée de quatre concerts à Osaka et Tokyo. Pourquoi ont-ils repris leur activité là-bas ? Je voudrais bien le savoir. Une chose est sûre, le premier volet est fort intéressant (tandis que le deuxième est logiquement le second choix et ne vaut pas vraiment la peine d'être écouté).

Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que, sur @shra, on peut entendre Göttshing, Grosskopf, Ulbrich et un quatrième larron, Steve Baltes, s'essayer à la trance. Je veux dire, véritablement. "Echo Waves" et les bons morceaux de New Age of Earth sont des précurseurs, mais on n'y trouve pas de beat, pas plus que sur l'inédit "Niemand Lacht Rückwärts" de 79, également troublant. Lorsd des concerts au Japon, ils ont ajouté ce beat et cela confirme l'évidence : Manuel Göttsching est le père de la trance, un genre qui arrivait précisément à son maximum en 97/98. "Echo Waves" et "Niemand Lacht Rückwärts" gardent leur abstraction et, si ce beat les rend peut-être plus superficiels, il ne les gâche pas car cela sonne très naturel. Il suffit de comparer avec les versions piteuses de Sauce Hollandaise (paru avant mais enregistré plus tard, aux Pays-Bas évidemment, et sans beat). Si la version studio d'"Echo Waves" reste une étape historique impossible à dépasser en concert, celle d'@shra en est la meilleure alternative.

Le cas de "Twelve Samples" est assez réjouissant. L'original n'était pas la meilleure part de Walkin' the Desert, à cause de sa partie ambiante. Ici, on trouve un mix de 18 minutes assez éloigné du morceau studio, se permettant d'y ajouter le beat mais également des traits de guitare puissants, pour un résultat étonnant. Le dernier morceau, "Timbuktu" est un inédit anecdotique, peut-être calqué sur des passages de Tropical Heat. Mais, comme il n'est pas très long et permet de varier un peu le rythme entre les grands morceaux, il ne gêne pas du tout.

Au final, c'est un bien chouette live de musique électronique auquel on a affaire. Fort différent de ce qu'ont proposé TANGERINE DREAM et Klaus SCHULZE. Il est très agréable en soi et permet une confrontation directe de l'ancienne école de Berlin et de la trance des années 90, ce qui constitue un document intéressant et lourd de sens.