Ils sont cinq, chevauchant vers le soleil couchant, instruments en bandoulière sur leurs chevaux fiers et robustes. Cinq jeunes hommes à la pilosité développée, qui n'ont rien de mercenaires. Car ils sont convaincus du bien-fondé de leur cause, enhardis par le défi qu'elle représente. Pensez-donc, moderniser le folk-rock à la française, puiser dans ses racines pour lui donner un souffle nouveau, l'espoir d'un avenir.

Ainsi en est-il de LA MAISON TELLIER. Cinq faux-frères d'armes, dont le cinquième album a tout d'un enchantement. Comme le chiffre se répète, les voici qui en font naturellement une chanson qui pose les bases de leur univers. Des cuivres chauds, une guitare folk, une voix et des arrangements qui peuvent évoquer la pop britannique dans ce qu'elle a de meilleur. Mais surtout une ferveur déstabilisante, et une richesse mélodique intense, désarmante. "Cinq est le numéro parfait", un manifeste dont le refrain, incroyable de beauté, mérite à lui-seul d'accorder toute son attention à cet album.

Un BASHUNG restauré, un Maxime LE FORESTIER revisité, comme si LA MAISON TELLIER s'inspirait des anciens pour proposer du neuf. La fausse nonchalance vocale d'Helmut Tellier, qui s'échine à créer des ambiances cinématographiques et poétiques, fait office de moteur de ce renouveau. Autour de cette ancre, une basse ronde, et ces cuivres, toujours, font de "J'ai rêvé d'avalanches" un superbe lien entre passé et futur. Là encore, la splendeur des mélodies, la richesse des arrangements, séduisent sans réserves. Loin de n'être que de la poudre aux yeux, le foisonnement instrumental sait se faire discret lorsque le contexte l'impose. C'est ainsi que le bouleversant "Haut, Bas, Fragile", s'impose naturellement comme un des meilleurs titres de l'album : tout d'abord ballade folk mêlant guitare et voix, le morceau laisse peu à peu la place au piano, aux cuivres, à la guitare électrique, à la batterie, et gagne subtilement en intensité pour provoquer au final, une explosion d'émotions rendues contradictoires par la teneur douce-amère des paroles, qui célèbrent autant la vie que la mort.

En se faisant tour à tour plus pop ("Beautiful again"), folk ("Garçon manqué") ou rock (la furie guitaristique du titre final, "Taros"), LA MAISON TELLIER construit un pont entre la nouvelle génération et l'ancienne, mêlant audace et respect des traditions, en se gardant bien de laisser de côté ce que le folk/rock français a de meilleur. On s'en délecte, on apprivoise ce cinquième album du groupe au bout de nombreuses écoutes habitées, avant d'en conclure que, décidément, la scène française a encore de beaux jours devant elle. Au loin, à l'ouest, les cinq qui chevauchent peuvent être fiers.