Les deux premiers albums d’EARTH WIND AND FIRE (EW&F) ne rencontrent aucune réussite sur le plan commercial. Partant de là, Maurice White va prendre une décision qui bouleversera l’histoire du groupe et le fera entrer dans la légende. Dès l’origine, il voulait former un groupe destiné aux jeunes de sa génération, une formation à la fois riche émotionnellement et efficace pour faire danser les foules. Sauf qu’après la sortie des deux premiers opus d’EW&F, il se rend compte qu’il s’éloigne des objectifs fixés.

Dans l’odyssée de la musique, il y a des événements qui bouleversent l’histoire : que serait-il arrivé si le 6 juillet 1957 Paul McCartney ne s’était pas rendu à la fête pastorale de Woolton où il rencontra John Lennon ? Que serait-il advenu si, sur le quai de la gare de Dartford, Mick Jagger n’avait pas eu sous le bras le Best Of de Muddy WATERS ? Tant de questions sans réponse… Une chose est sûre, c’est qu’en 1972 quand Maurice White, sous les conseils de son manager, décide de redynamiser le line-up du groupe et de réorienter ses compositions, il vient sans le savoir de révolutionner le Funk. Hormis les frère White, tous les postes sont remaniés avec Philip Bailey au chant, Roland Bautista à la gratte, le claviériste Larry Dunn et le batteur Ralph Johnson. La nouvelle formation signe chez Columbia, bref presque tout est neuf.

Ces nouveaux changements portent leur fruit dès l’album suivant, Last Days and Time, sorti à la fin de l’année 1972. Ce disque va poser les fondations de ce qui deviendra la nature du son d’EW&F, en mélangeant les styles afro-américains, en particulier le jazz et R&B, à une musique pop aux mélodies accrocheuses. Cette fusion a contribué à rapprocher les goûts musicaux des noirs et des blancs dans une Amérique encore marquée par la ségrégation. Toutes les bonnes idées noyées dans les multiples erreurs des deux premiers volets sont reprises et améliorées. Des musiciens de talent en accord, des compositions plus recherchées mais qui restent faciles d’accès, une énergie ancestrale et du Funk à en mourir, voilà la nouvelle formule de cet album.

"Time Is on Your Side" ouvre le bal sur les chapeaux de roue. Le section cuivre annonce dès les premières notes qu’elle est en très grande forme ! La basse de Verdine White est déjà impeccable. En parlant de Verdine, son Frère Maurice (Paix à son âme) revit dans cette nouvelle formation qui lui permet de laisser exprimer son talent de songwriter. Le duo nous livre des compositions tantôt entraînantes tantôt lentes. Parmi les compositions de cet album qui resteront dans les mémoires arrive au premier rang "Mom". Une chanson moins funk que les autres. Un slow à la sauce EW&F qui démontre que même en baissant le tempo, en rangeant les cuivres et guitares électriques, le groupe arrive à nous captiver. Roland Bautista avec ses arpèges à la guitare classique et Larry Dunn grâce à son solo d’orgue électrique ne sont pas étrangers à la réussite du titre.

Le groupe n’oublie pas que sa principale vocation est de faite danser les jeunes. Dans cette optique, l’ensemble de la formation est réquisitionnée, pour plus de 8 minutes d’énergie pure sur le titre "Power". Longue pièce instrumentale qui se dévoile crescendo, commençant par un drôle de son qui va devenir la marque de fabrique du groupe, le kalimba, un instrument sud africain joué par Maurice White. Puis, progressivement, à la façon d’une formation jazz, tous les musiciens rejoignent Maurice White pour se livrer chacun à leur tour à différents soli (saxophone, guitare électrique, flute, claviers). Tout cela se conclut comme cela avait débuté, dans la douceur du kalimba.

Arrivés à ce stade, nous devons aborder la question qui fâche, la question qui rend cet album juste bon et pas excellent, c’est la place et la qualité des reprises. Elles sont au nombres de trois. Nous ne sommes pas des réfractaires de la reprise, mais pour qu’elle soit aussi efficace qu’une composition authentique, on doit trouver un équilibre entre l’oeuvre originale et le renouveau qu’elle apporte. Concernant "Last Days And Time", elles n’apportent pas grand chose. Que ce soit "Make It with You", "Where Have All the Flowers Gone" ou "I'd Rather Have You", elles marquent une baisse de régime et sont de moins bonnes factures que les autres titres. Cela nous donne au final un mélange pop-funk peu maitrisé.

En somme, ce nouvel album marque le nouveau tournant opéré par le groupe, qui essaye de renouveler sa musique. Il n’est pas parfait. Comme tout accouchement, il se fait dans la souffrance et les pleurs. Mais une douleur certainement salvatrice car Last Days And Time pose la première pierre de l’édifice qui ne cessera de croître pour atteindre les sommets des charts quelques années plus tard.

Notes : 3,5/5