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- Style : Marissa Nadler , Agnes Obel

Emily Jane WHITE - They Moved In Shadow All Together (2016)
Par AIGLE BLANC le 10 Novembre 2016          Consultée 2424 fois

They Moved in Shadow All Together est le cinquième album d'Emily Jane WHITE. Après trois disques parus entre 2008 et 2010, elle semble avoir adopté, depuis 2013, un rythme de production d'un album tous les 3 ans, ralentissement qui ne marque, fort heureusement, aucun amoindrissement de sa créativité.
Au contraire, la chanteuse américaine de 34 ans a progressé de façon significative dans son art à trousser des chansons intimes de forte obédience folk et à l'humeur gothique.

La valeur ajoutée provient principalement des arrangements, domaine auquel elle accorde un soin d'une rare méticulosité. Il est d'autant plus frappant de comparer la sécheresse de son premier enregistrement (Dark Undercoat, 2008), dominé par sa voix et sa guitare, et la discrète autant qu'envoûtante sophistication de son précédent opus (Blood/Line, 2013) qu'il lui a suffi d'ajouter à cette squelettique palette sonore quelques notes éparses de sa guitare électrique, quelques lignes rêveuses et sentimentales de son piano ou de son orgue, quelques sporadiques interventions du violoncelle de Shawn Alpay, sans oublier la batterie et les percussions climatiques de Nick Ott, pour rehausser la qualité d'écoute de ses chansons à la fois poétiques, engagées et introspectives.
Elle explique ainsi le choix des instruments : le violoncelle est le vecteur idéal de la tristesse et de la mélancolie véhiculées par ses chansons. Mais si l'art d'Emily Jane WHITE ne brille ni par sa gaité ni par son insouciance, en revanche, il se voit subtilement transcendé par une lumière interne que transmet aussi le violoncelle. La batterie et les percussions incarnent quant à eux le coeur et le sang dans son expression musicale. Et n'oublions pas le travail de l'ombre qu'accomplit l'ingénieur du son Mark Willsher qui, par son expérience du design sonore dans le 7ème art autant que par son éducation musicale classique, confère une résonance particulière à l'espace intime de la chanteuse, notamment en l'enrobant d'une grâce éthérée.
La chanteuse déploie aussi son art singulier des arrangements vocaux : se chargeant de toutes les lignes vocales, elle a recours à une chambre d'échos qu'elle traite à la manière d'un instrument pour réserver aux choeurs une texture aérienne en accord avec la profondeur des sentiments exprimés. Alors que la ligne de chant principal est traitée, à l'opposé, sans fioriture pour lui conférer la texture la plus naturelle possible, ce qui renforce inévitablement le caractère confidentiel de sa voix grave tout en émotion tenue.

Durant l'élaboration de ce dernier album, elle a même pris des cours de chant classique afin d'élargir sa palette vocale. Ne vous attendez pas pour autant à des assauts de virtuosité dans ce domaine, rien n'est plus étranger à son art que de si basses velléités démonstratives. Elle préfère une ligne de chant épurée et bien posée pour assoir la justesse de son interprétation. En effet, dans l'univers d'Emily Jane WHITE, tout est affaire de mesure et de tact. L'émotion jaillit non pas tant d'une dramatisation des effets, mais de l'a propos avec lequel chaque instrument, y compris la voix, intervient dans l'économie des chansons. La nature empathique de ses textes poétiques fait le reste sans qu'elle ait besoin là encore de forcer le trait.

Le cercle de son auditoire demeure encore relativement confidentiel. Ses disques sont distribués par deux labels uniquement : le premier, Talître, est un label bordelais qu'elle a connu durant ses jeunes années d'étudiante en mythologie. Retournée depuis en Californie, où elle réside à Oakland, elle voit ses albums distribués aux USA par les labels Milan et Important records.

Il n'est pas nécessaire d'être adepte de musique folk pour apprécier Emily Jane WHITE. En effet, elle peaufine un folk fortement empreint d'une esthétique gothique tant dans ses textes marqués par la mort et la maladie que dans sa musique qui, sous couvert d'une apparente sérénité, cache des abîmes de noirceur d'une élégance baudelairienne. La chanteuse avoue son admiration pour celle qu'elle considère comme un modèle artistique, c'est-à-dire Chan MARSHALL, sa consoeur de CAT POWER. Si vous partagez cette passion pour CAT POWER, vous pourriez grandement apprécier la chanteuse californienne qui avance sur des terres voisines sans en être une pâle copie.
Son art feutré et intime, quelquefois troublant, partage aussi quelques accointances avec celui de la mystérieuse Marissa NADLER, sa petite soeur spirituelle.

Après Blood/Lines, son précédent opus, Emily Jane WHITE reste dans la même humeur mélancolique. Ses nouvelles chansons scrutent l'impact des traumatismes sur l'identité individuelle comme collective. Véritable épine dorsale qui traverse les 11 titres, ce thème douloureux voit alterner des phases d'espoir et de désespoir, résultat des morceaux brisés à l'intérieur de la psyché. Elle a écrit notamment "The Black Dove" pour supporter la lutte antiraciste contre les violences policières. "Womankind", quant à elle, déplore les violences infligées aux femmes et les silences qui annihilent la délivrance des victimes. Sans dévier du style qu'elle avait affermi, elle nous offre un opus subtil dans lequel s'affirme la dimension cinématographique de son art. Toutefois, les nappes dramatiques de synthé ont laissé cette fois une place accrue au piano de la chanteuse et au violoncelle de Shawn Alpay, ce qui la rapproche un peu plus de sa consoeur danoise Agnès OBEL.
L'album ne s'impose pas toutefois avec la même force que son prédécesseur, qui reste à ce jour donc le chef-d'oeuvre de l'artiste. Mais au fil des écoutes, une étrange beauté finit par percer qui devrait séduire les oreilles les plus sensibles et laisser malheureusement de marbre les adeptes des chansons plus entraînantes. A noter une partition originale de la batterie et des percussions qui déposent leur note tribale rarement associée à ce genre de chansons. C'est très bien vu.

Mon coup de coeur va au dernier titre, "Behind the Glass", dont la couleur délicatement gospel, soutenue par les battements de la basse ou du violoncelle, imprime une vibration particulière au beau chant d'Emily J. W. L'album ne pouvait pas rêver meilleure conclusion.

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   AIGLE BLANC

 
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- Emily Jane White (chant, choeurs, piano, guitare)
- Shawn Alpay (violoncelle, basse)
- Nick Ott (batterie, percussions)
- Josh Pollock (guitare électrique)


1. Frozen Garden
2. Pallid Eyes
3. Hands
4. Nightmaires On Repeat
5. Rupturing
6. Moulding
7. The Ledge
8. The Black Dove
9. Antechamber
10. Womankind
11. Behind The Glass



             



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