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SOUL/FUNK  |  STUDIO

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- Style : Ann Peebles , Joss Stone , Aretha Franklin
- Style + Membre : Amy Winehouse

SHARON JONES & THE DAP-KINGS - Naturally (2005)
Par LONG JOHN SILVER le 6 Février 2017          Consultée 1735 fois

La musique, plus généralement l’art, est affaire de partage. L’artiste s’expose en public, celui-ci en dispose, écoute, commente, échange, se déplace aux concerts, achète les disques ou pas. Quand on est fan de zique (de rock me concernant), difficile de se restreindre à une niche particulière. On essaie de ratisser assez large.
Il est évidemment impossible d’ignorer les musiques noires qui ont – plus tard – accouché du rock’n’roll, récupéré par les blancs. On pense au blues et encore plus significativement au rhythm and blues, genre dont certains avancent qu’il est la matrice suprême du rock, signifiant de facto que le rock ne serait autre que du r&b édulcoré.
Courant sixties, les musiques noires ont continué à prospérer auprès d’un public de couleur – essentiellement aux States, l’Europe étant bien moins ségrégationniste – via la musique soul. On pense aux publications de la Motown ou au label Stax. On se rappelle James BROWN, Otis REDDING, Aretha FRANKLIN, Ann PEEBLES. Et tant d’autres encore.
Depuis, le genre soul/funk a connu des hauts et des bas mais n’a jamais disparu du paysage, évoluant au fil des années et des métissages, accouchant à son tour du controversé disco mais surtout ayant permis à des Michael JACKSON et autres PRINCE de faire des carrières monumentales.
Au mitan des années 2000, la soul revient au top des charts, via l’Angleterre qui propulse deux chanteuses : Joss STONE et Amy WINEHOUSE. Ces deux vocalistes ont pour particularité de revenir à un son qui évoque aussitôt les sixties. Pourtant, c’est bien aux Etats-Unis que le genre parvient à recoller le mieux à ses origines via un tout petit label fondé par un certain Gabriel Roth – qui se fait appeler Bosco Mann, un gars qui cumule les fonctions de président, directeur artistique, producteur, auteur/compositeur, arrangeur et musicien de la maison Daptone. Un pari insensé. Le bonhomme suit une charte immuable : il enregistre en mono et en analogique, sans l’apport du numérique.

La tête de gondole du label Daptone se nomme Sharon JONES, une chanteuse à la voix prodigieuse, plusieurs fois recalée par les maisons de disques car possédant un physique trop peu glamour. Voilà ce qui arrive quand les sociétés spécialisées dans la production artistique sont dirigées par des comptables. Amhet Ertegun – encore en vie au moment de l’éclosion de miss JONES – n’a pas fait beaucoup de petits dans le business. Sauf qu’après, nous retrouvons nombre des pantins qui dirigent l’édition musicale, pleurant de chaudes larmes face à l’érosion des ventes de CD.*
La diva enregistre un premier opus – excellent – en 2002, petit à petit l’oiseau (noir) fait son nid. Mais c’est en 2005 que la dame commence à vraiment faire parler d’elle en France, à la parution de Naturally. France Inter diffuse des titres, un ami bien intentionné est séduit, m’en touche deux mots, il paraît que Miss JONES sera bientôt en concert au Trabendo à Paris. Ah ouais ? (lui réponds-je). De la soul à l’ancienne ? Fais-y donc écouter. La musique est affaire de partage : ça tombe bien, il a acheté le skeud, me le prête derechef. Pas trop le temps de l’écouter attentivement, mais une chose est certaine : cette zique est taillée pour la scène.

Direction le Trabendo : la salle n’est pas pleine, l’ambiance sereine. Au stand merchandising, les (deux) albums sont proposés au format vinyle. Le concert commence, il est aisé de s’approcher des zicos. Les Dap-Kings possèdent une classe folle : le guitariste lead Binky Griptite tient le rôle du Emcee* ; son acolyte six cordiste, Tommy 'TNT' Brenneck, possède une main droite d’une agilité foudroyante. À la batterie Homer 'Funky-Foot', dont c’est l’anniversaire ce jour-là, se fait appeler Jean-Pierre par la matrone. Il fait claquer le tempo, usant d’un kit à peine plus fourni que celui du batteur des STRAY CATS. Les gars aux cuivres aiguisent leurs instruments comme des lames de précision. À la basse, se tient le gars aux lunettes noires, le chef d’orchestre. Bosco Mann, c’est lui et il sort des lignes qui font pulser la musique. Parce que devant ce collectif digne des légendes qui ont accompagné les artistes en studio et sur scène pour le compte de Stax et Motown**, éclate la générosité éruptive de la dame. Sharon JONES est probablement la plus grande chanteuse soul des années 2000.
Deux titres se détachent lors du set, ils sont issus de Naturally et leur impact est immédiat. Sharon peut désormais s’appuyer sur deux standards inamovibles de son répertoire scénique. Le premier des deux ouvre l’album : "How Do I Let A Good Man Down" - un titre original - possède un tel potentiel que le groupe en profite pour l’étirer en live afin de faire danser le public sur une mesure endiablée pendant que miss JONES survole son auditoire par l’impact de ses vocalises autoritaires. "This Land Is Your Land" - seule reprise de l’album – est de Woodie GUTHRIE, l’homme dont la guitare portait la mention : This machine kills fascists. Cet hymne folk devient un hit soul immédiat sous la houlette des Dap-Kings, un moment à compiler à côté des "Respect"***, "In The Midnight Hour", "Hold On I’m Coming" et "Rehab". Pour ne citer qu’une poignée de hits mémorables. La chanson du barde communiste voit son message universaliste délivré avec fougue. Sa symbolique prend toute son ampleur délivrée par Sharon, surtout quand – maintenant -on songe au président que vient de se donner l’Amérique. Sharon est partie quand il est arrivé. Son Amérique à elle est pourvue en partage (sa musique, sa voix), en métissage (ses musiciens), en vie (ses prestations). En âme.

J’ai découvert Sharon JONES avec la tournée de l’album Naturally, pas forcément son meilleur. J’ai eu bien plus tard l’occasion de la rencontrer, de discuter avec elle après qu’elle avait délivré – une fois de plus – un concert volcanique. Sharon JONES débordait d’énergie, prenait le temps d’échanger alors que son tour bus allait faire quelques centaines de kilomètres en pleine nuit pour rallier une autre ville. C’était en 2012, un an après être passée au Stade de France, en première partie de PRINCE. Lequel n’avait pas fait de chichi pour s’immiscer sur scène avec les (Dap) Kings, rendant lui aussi un hommage mérité à la chanteuse.
Naturally n’est pas un album parfait. Les trois premiers titres sont excellents puis le centre ronronne quelque peu. La ballade "You’re Gonna Get It" est un modèle de ce qu’il convient d’éviter de faire, surtout si on n’a pas pareil groupe et chanteuse sous le coude. Sauf à aimer la soupe au-delà du raisonnable, bien entendu. C’est "This Land" qui revient pour nous scotcher, passés les moments faibles. Je ne vous refais pas l’article. Après quoi, la lionne continue de rugir sur trois derniers extraits de fort bonne tenue. Le son, l’atmosphère nous replongent dans la poisse des musiques noires devenues légendaires. Beaucoup s’y sont frottés, le revivalisme contient nombre de déchets. Sharon et ses Kings y parviennent parce qu’ils sont authentiques. Ça ne fait pas d’eux des stars célébrissimes ? D’une, on s’en tape, et de deux ce n’est pas l’opinion de Mark Ronson et Salaam Remi qui s’empressent d’embaucher (pour partie) les Dap-Kings pendant les sessions de Back To Black. Ces mecs sont tout sauf sourds, eux savent comment faire d’Amy WINEHOUSE une superstar. Tout est affaire de partage.

* Retranscrit tel quel sur l’album.
** Les musiciens de Booker T & The MG’s entre autres.
*** Titre de Otis REDDING dont Aretha FRANKLIN a laissé une version inoubliable en 1967.

note réelle : 3,5

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   LONG JOHN SILVER

 
  N/A



- Sharon Jones (chant)
- Binky Griptite (guitare, emcee)
- Tommy 'tnt' Brenneck (guitare)
- Bosco Mann (basse, piano)
- Homer 'funky Foot' Steiwess (batterie)
- El Michels (sax baryton)
- Neal Sugarman (sax tenor)
- Dave Guy (trompette)
- Bugaloo Velez (congas)
- +
- Lee Fields (chant sur 3)
- Alex Kadvan (violoncelle)
- Antoine Silverman (violon)
- Entcho Todorov (violon)
- Stuart D.bogie (harmonica sur 9)
- Earl Maxton (orgue sur 10)


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