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- Style : Candi Staton

Bettye LAVETTE - Let Me Down Easy (2000)
Par LE KINGBEE le 1er Décembre 2019          Consultée 1145 fois

Si Bettye LaVette a débuté sa carrière en 1962 avec l’ébouriffant « My Man- He’s a Lovely Man » alors qu’elle avait tout juste seize ans, la fin du siècle se révélait pénible pour la native du Michigan. Mais contrairement à de nombreuses chanteuses noires Bettye LaVette n’aura jamais cessé d’exercer, que ce soit sur scène ou à Broadway.

On peut aujourd’hui s’étonner que cette voix hors-norme ait été si honteusement sous enregistrée. Son premier disque Motown « Tell Me A Lie » sorti en 1982 ne bénéficiait pas d’une superbe production alors que « Not Gonna Happen Twice », son second opus, laissait le premier rôle à des boites à rythmes de merde et une production affligeante de l’Anglais Ian Levine. Mais Bettye, tel le loup au coin du bois, allait ressurgir de sa boite à l’orée du nouveau millénaire avec cet enregistrement Live auquel succédait une sublime compilation concoctée par Monsieur Gilles Petard, grand collectionneur et amateur éclairé de Soul, regroupant des un album Atco inédit et des faces Atlantic qu’on croyait détruites à jamais.
En l’espace de quelques mois, Bettye LaVette allait rattraper le temps perdu en deux coups de cuillères à pot et inverser la tendance. S’agit-il il d’un miracle ou d’un juste retour des choses ? La Diva ne le sait probablement pas elle-même, mais cette seconde vie allait combler plus d’un amateur de Soul.

Ce live provient d’un concert capté au Muziekcentrum Vredenburg d’Utrecht le 23 septembre 1999. Aujourd’hui encore, je me rappelle les pourparlers qu’il m’avait fallu déployer pour assister au concert (je n’avais pas de billet) alors que le Centre Caussimon de Tremblay avait organisé une expédition en car pour assister à cette représentation. Oui en 1999, je n’avais encore jamais vu LaVette sur scène, et autant dire que la chanteuse allait littéralement me scotcher, mais certains copains l’ayant vue sur ses terres m’avaient prévenu.

Epaulé par Rudy Robison, son fidèle arrangeur claviériste, Bettye est secondée pour l’occasion par une nouvelle troupe d’accompagnateurs comprenant entre autres le batteur David Brandon (ex Dramatics), le trompettiste Rayse Biggs (ex-Was Not Was, Bob Dylan, Larry McCray) et le tromboniste Edward Gooch (ex-Sweet Cream), un backing band dont les membres évoluent entre Jazz, Soul et Blues. Certains disques éclosent par de curieux concours de circonstances : il n’est pas sûr, sans l’obstination de Bert Mattijssen, grand fan de la chanteuse, que ce Live aurait vu le jour.

Brièvement et sobrement présentée à l’américaine, les musiciens s’offrent une quarantaine de secondes d’instrumental, histoire de faire monter la température et la tension avant que LaVette ne mette la salle à genoux avec « My Man – He’s A Lovin’ Man » titre d’une puissance absolue et le premier enregistré par Dame LaVette pour la firme Atlantic. L’excellente Ann Peebles reprendra plus tard le morceau dans une version plus feutrée et Ike et Tina Turner en délivreront eux aussi une croustillante interprétation Live en début de carrière, mais rien à voir avec le feeling et la puissance sensuelle de Bettye LaVette. D’ailleurs, entendre chanter Tina Turner sur ce morceau, quand on connait tous les tourments que lui fit endurer ce bon vieux Ike, a aujourd’hui de quoi faire sourire jaune.
La chanteuse ne se contente pas d’aligner les titres comme certains enfilent les perles. LaVette est aussi une excellente conteuse d’histoire qui propose entre chaque titre le pourquoi du comment, évoquant parfois les difficultés rencontrées au cours de sa carrière. Petite accalmie avec « Damn Your Eyes », hit mineur d’Etta James. L’accompagnement se fait presque intimiste avant que la voix torride ne fasse exploser le morceau. De quoi faire bondir le loup érotomane de Tex Avery. Avec sa grosse ligne de basse et un phrasé de guitare hyper aiguisé, le morceau fait encore mouche. Bien plus convaincant que certaines interprétations lorgnant sur l’Americana. Le titre est toujours d’actualité, Beth HART le reprenant dans l’album « Black Coffee ». Pendant plus de 9 minutes, la chanteuse maintient le public sous tension parfois tout simplement par le biais de glapissements lascifs. Du grand art !
Elle reprend « Right In The Middle (Falling In Love) », une brillante compo de Sam Dees dans une interprétation plus aérée que celle figurant sur son album Motown. Probablement la meilleure version avec celle de Sandra Hall, rien à voir avec celle de Joe COCKER trop ampoulée.
Bettye monte dans la machine à remonter le temps, chère à H.G. Wells, en s’attaquant à « You’ll Never Change », morceau issu de son second single Atlantic. Là encore, la guitare métronomique de Guy Barker fait la différence alors que la section cuivre s’en donne à cœur joie, mais on ne tempère pas la chanteuse si facilement. Impression similaire avec « Almost »⃰, titre gravé à l’origine en 1968 pour le label Karen du producteur Ollie McLaughlin et dans lequel figurait déjà l’organiste Ruby Robison. Cette fois, le groupe propose une version épurée dans laquelle les claviers plus crépusculaires remplacent avantageusement la flopée de violons et de cordes de l’original.
L’amour, ses joies et ses désillusions sont des thèmes bien présents dans l’univers de la chanteuse. Elle confie au public son expérience avec « Your Turn To Cry (Your Time To Cry) » titre enregistré initialement pour Atco en 1973. On conseille aux amateurs la version originale et masculine de Joe Simon.
Le concert comme le disque s’achèvent en fanfare sur deux pépites : « He Made A Woman Out Of Me » dans lequel Bettye LaVette nous assène l’un des plus gros morceaux de Sexy Soul de tous les temps. Les intonations laissent suggérer une explosion charnelle et on se met à jalouser celui qui est parvenu à la faire passer du stade d’adolescente à celui de femme. L’un des plus beaux titres de l’écurie Silver Fox. Si la chanson a connu quelques bonnes reprises via Bobbie Gentry, Amy Madigan avec la slide de Ry Cooder, Alicia Chakour au sein du groupe funk Lettuce ou plus récemment via la version de Julie Roberts, une blonde allumeuse passée par les studios Sun, Bettye Lavette peut dormir sur ses deux oreilles, elle relègue bien loin la plupart de ses jeunes concurrentes. Les premières paroles, bien qu’absolument pas biographiques, posent les jalons d’un gros morceau gorgé de sensualité : « I was born on a levee- A little bit south of Montgomery - Mama worked in the big house- And Daddy he worked for the county- I never had no learnin'- Until I turned sixteen … ». Seconde grosse claque avec « Let Me Down Easy »◊, souvent copié mais jamais égalé. L’orgue de Robison instaure comme une atmosphère religieuse, le chant monte crescendo pour aboutir à une transe sexuelle quasi explosive. On comprend mal pourquoi ce titre de toute beauté ne monta en son temps qu’à la 25ème place des charts. Sans doute que le label Calla n’avait pas les reins assez solides ni les poches assez pleines pour promouvoir ce chef d’œuvre. Curieusement, si Lydia Pense au sein de Cold Blood en fit une version valant son pesant de cacahuètes, le morceau sera repris principalement par des hommes et hormis l’écossais Paolo Nutini, aucun essai masculin ne parvient à me toucher.

Avec vingt ans de retard, ce Live au Blues Estafette Festival d’Utrecht a servi de levier à cette superbe chanteuse, mais le meilleur reste à venir. On regrette juste l’absence de quelques titres, le CD ne durant que 44 minutes. Excellente qualité sonore, bon groupe d’accompagnateurs et choix de titres judicieux. Ce soir-là, Bettye LaVette a déversé toute la Deep Soul du Michigan dans le Lek, rivière locale.

⃰ Il s’agit d’un titre homonyme à celui de Don Walsh composé pour le Downchild Blues Band.
◊ Rien à voir avec les titres homonymes de Little Milton, des Isley Brothers, de Van McCoy ou des STRANGLERS.

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   LE KINGBEE

 
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- Bettye Lavette (chant)
- Rudy Robison (claviers)
- Guy Barker (guitare)
- Greg Cook (basse)
- David Brandon (batterie)
- James Chaney (saxophone)
- Rayse Biggs (trompette)
- Edward Gooch (trombone)
- Gail Barker (chœurs)
- Pat Lewis (chœurs)
- Jerome Shavers (chœurs)


1. My Man
2. Damn Your Eyes
3. Right In The Middle
4. You'll Never Change
5. Almost
6. Your Turn To Cry (your Time To Cry)
7. He Made A Woman Out Of Me
8. Let Me Down Easy



             



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