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- Membre : Leningrad, Leonid Fiodorov

AUKTYON - Vernis V Sorrento (1986)
Par SASKATCHEWAN le 18 Mars 2017          Consultée 981 fois

Dans la tradition orthodoxe russe, on rencontre un être étrange, le « Iourodivy » (appelé « fol-en-Christ » dans nos contrées), sorte de moine vagabond frappé par la folie, évoluant hors de toute autorité ou convention sociale. Aux yeux du monde, son babillage en apparence sans queue ni tête vaut preuve de sainteté et de lien direct avec la puissance divine. Il devient alors très tentant, pour qui veut échapper à la lourdeur de son temps, de jouer au fou, de passer pour un saint, car la colère des tsars de toutes les époques épargne les Iourodivye.

Au départ, rien ne prédestinait AUKTYON à devenir le Iourodivy du rock russe. La préhistoire du groupe est somme toute une affaire des plus banales : à la fin des années 1970, le jeune guitariste Leonid Fiodorov forme un groupe de rock avec ses amis d’école à Leningrad, parmi lesquels le bassiste Viktor Bondarik. C’est ce dernier qui un jour présente un certain Oleg Garkoucha au reste de la bande : un grand échalas déglingué, et, il faut bien l’avouer, dénué du moindre talent musical. Mais poète ! À ce jour, celui que les fans surnomment affectueusement Garkoundelle ne fait toujours rien d’autre sur scène que de danser comme un possédé et secouer ses maracas de temps en temps. C’est pourtant lui, qui, pendant longtemps, a été la seule figure reconnaissable de l’énigme AUKTYON, une mascotte bruyante et grotesque. Le Iourodivy de la bande.

Garkoucha, tête d’affiche improbable, possède malgré tout de l’entregent. C’est lui qui fait la connaissance du déjà légendaire groupe AKVARIUM et les invite à répéter avec AUKTYON au début des années 1980. Boris Grebenchtchikov et son orchestre sont impressionnés et décident de parrainer la candidature de leurs jeunes collègues au Rock Club de Leningrad. Il faudrait écrire tout un chapitre sur cette pépinière de groupes de rock, qui a formé tant de mastodontes du genre en URSS. C’était une structure semi-officielle tolérée par la municipalité d’alors, qui offrait gîte et salle de concert aux jeunes formations férues de musique occidentale. AUKTYON reçoit sa carte de membre en 1983… mais son premier concert est une véritable catastrophe.

Le groupe se met en demi-sommeil jusqu’en 1985, date à laquelle le vieux copain bassiste Viktor Bondarik effectue son retour du service militaire. Autour du tandem Bondarik-Fiodorov (chant, guitare) se cristallise enfin une formation solide : Igor Tcheridnik à la batterie, Dmitri Ozerski aux claviers, Nikolaï Fiodorovitch et Nikolaï Roubanov au saxophone. Un chanteur est même recruté en la personne de Sergueï Rogojine pour partager le micro avec Fiodorov. La fine équipe obtient un triomphe en mai 1986 au IVe festival du Rock Club de Leningrad avec son programme Vernis v Sorrento (« Reviens à Sorrento »).

Si Vernis v Sorrento a bénéficié d’une sortie officielle assez tardive, c’est bien lui le véritable premier album du groupe. A l’époque, AUKTYON est un collectif joyeux et turbulent qui joue une musique dansante au carrefour entre le ska et la new-wave. De l’autre côté du rideau de fer, on penserait à MADNESS, même si Fiodorov citait plus volontiers POLICE en influence principale. De toute façon, et c’est là sa grande force, AUKTYON ne ressemble à presque rien de connu à l’Ouest. Comme souvent chez les Russes, le saxophone se taille la part du lion : l’ambiance « cabaret enfumé des années 20 » qui se dégage des compositions doit beaucoup aux cuivres de Roubanov et Fiodorovitch.

Mais AUKTYON, c’est avant tout une section rythmique impeccable. Le duo Bondarik (basse)-Tcheridnik (batterie) fait des merveilles sur les rocks les plus endiablés comme « Tchoudny vetcher », « Voltchitsa » et « Dengui – eto boumaga ». La voix de Fiodorov est encore assez juvénile, c’est donc la performance toute en lyrisme décadent de Sergueï Rogojine qui retient l’attention, en particulier sur « Kniga outchota jizni ». En 1986, le groupe léningradois est une mécanique déjà bien huilée.

En comparaison de leurs ambitions poétiques ultérieures, les textes de Garkoucha et Ozerski sont encore assez insouciants. On cherche avant tout la phrase qui sonne bien et que l’on pourra scander à l’infini. On ne se prive pas non plus de faire quelques sous-entendus grivois sur les crayons à papier et les hautbois (« Jenchtchina »). Tout cela rentre en collision frontale avec les textes empruntés au poète réaliste-socialiste Viktor Koumakchev (« Rabotcheïe Outro ») et à Paul Eluard (« Chto Delat? », traduction du poème « Couvre-feu » de 1942). Cette dernière composition, avec ses bruits de bottes et sa basse funèbre, fait figure de croquemort au milieu du carnaval des fous. AUKTYON inaugure là un intérêt pour la France et la culture française appelé à jouer un grand rôle dans la suite de leur carrière. Pour achever de se convaincre que cet AUKTYON des premiers temps vaut le détour, il suffit finalement d’écouter « Radiodiversia », une chanson remuante et attachante qui mériterait bien une petite place sur les compilations du groupe.

Vernis v Sorrento n’est certes pas un sommet précoce, c’est un premier album avec toute sa fraîcheur et ses défauts. Si on le compare avec d’autres sorties soviétiques de la même année, il est évident qu’AUKTYON n’a pas encore atteint la maturité de groupes comme KINO ou AKVARIUM. Ils ont néanmoins acquis le principal : un style original et immédiatement reconnaissable, qu’ils vont développer avant tout sur scène avec l’aide de l’artiste Kirill Miller et du danseur Vladimir Vessiolkine. La folie du Iourodivy est bien là, la sainteté attendra.

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- Leonid Fiodorov (guitare, chant)
- Oleg Garkoucha (choeurs)
- Sergueï Rogojine (chant)
- Viktor Bondarik (basse)
- Dmitri Ozerski (claviers)
- Nikolaï Roubanov (saxophone)
- Nikolaï Fiodorovitch (saxophone)
- Igor Tcheridnik (batterie)
- Igor Skaldine (guitare)


1. Vernis V Sorrento
2. Tchoudny Vetcher
3. Kniga Ouchota Jizni
4. Voltchitsa
5. Jenchtchina
6. Dengui - Eto Boumaga
7. Radiodiversia
8. Chto Delat?
9. Rabocheïe Outro



             



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